Dans ses notes accompagnant le disque d'airs d'opéras italiens de Marc Hervieux, le musicologue Michel Veilleux présente celui-ci comme «ténor lyrique» capable de chanter aussi des rôles de ténor «spinto». Ce mot italien, participe passé du verbe «spingere» (qui veut dire «pousser»), désigne une voix de ténor (ou de soprano) qui est soumise à une pression, qui est poussée vers une émission plus robuste, en fait vers cette classification optimale, le ténor (ou la soprano) dit «dramatique», dont la puissance de projection et la plénitude de timbre sont sans égales chez les chanteurs.

Plus encore que d'un «spinto», le disque que vient de signer Marc Hervieux me semble être celui d'un authentique ténor dramatique. Hervieux chante ici avec, précisément, cette puissance et cette plénitude dont je viens de parler. Pour dire les choses un peu crûment: on n'imagine personne pouvant chanter plus fort! En même temps, Hervieux sait contrôler et amenuiser cette énorme réserve sonore lorsque le texte ou la situation l'exigent.

 

Cette force vocale herculéenne n'est d'ailleurs pas le résultat d'un trucage phonographique. En salle, et sans amplification, l'effet est le même, comme on l'a constaté cette saison encore dans I Pagliacci de Leoncavallo où la voix de stentor remplissait sans effort l'immense vaisseau de Wilfrid-Pelletier.

Le disque contient neuf airs célèbres du répertoire lyrique italien, les plus fameux étant l'héroïque «Nessun dorma», de Turandot de Puccini, et le déchirant «Vesti la giubba», de I Pagliacci (ce qu'on appelle en français «Les Sanglots de Paillasse»). Au vérisme de I Pagliacci, on associera les adieux de Turiddu (orthographié «Turridu» sur la pochette) dans Cavalleria rusticana de Mascagni.

Hervieux se fait plus lyrique, mais non moins intense, dans d'autres Puccini comme les deux airs de Cavaradossi de Tosca, le «Non piangere, Liù» de Turandot et l'air de Rodolfo au 1er acte de La Bohème, ainsi que dans le tendre Lamento di Federico de L'Arlesiana de Cilèa et le «De' miei bollenti spiriti» de La Traviata de Verdi, où Nézet-Séguin rétablit l'accompagnement en pizzicati souvent ignoré par les chefs.

Nézet-Séguin et le Métropolitain respirent avec le chanteur et complètent le disque avec trois pages orchestrales. Pour les besoins du disque, quelques adaptations durent être faites. Ainsi, l'omission des courtes répliques d'autres personnages dans certains airs et celle du choeur lointain dans «Nessun dorma».

**** 1/2

MARC HERVIEUX, TÉNOR. ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. DIR. YANNICK NÉZET-SÉGUIN ATMA, ACD2 2618