Les exceptionnelles qualités de pianiste et de musicien de Till Fellner nous sont connues depuis une quinzaine d'années, plus précisément depuis un enregistrement de 1994 des deuxième et troisième Concertos de Beethoven avec Marriner, chez Erato, et un récital Schubert dans une église de Lanaudière en 1997.

Né en 1972, le pianiste autrichien avait alors un peu plus de 20 ans. Aujourd'hui, 38 ans et bien droit à son piano, il a toujours son air d'adolescent et montre en même temps la tenue d'un interprète racé et de longue expérience.

Inscrit dans le cadre d'une intégrale Beethoven projetée avec Nagano et l'OSM, en concert et au disque, le premier Concerto de Beethoven (qui, en fait, n'est pas le «premier») trouve Till Fellner dans une forme technique et musicale pour ainsi dire parfaite. Articulation immaculée, égalité du discours, pensée soutenue: il ne manque rien. Les cadences sont celles de Beethoven et le pianiste glisse même quelques ossias dont les experts prennent note.

Soucieux de style, Nagano réduit l'orchestre pour ce jeune Beethoven qu'il accompagne en chambriste.

Le reste de la soirée est moins heureux. On entend d'abord une création de Gilles Tremblay. Non encore revenu à la santé, le compositeur est là-haut dans une loge et Nagano lui adresse un très long hommage.

D'une durée de 13 minutes, la nouvelle oeuvre, intitulée L'Origine, utilise un poème de Fernand Ouellette qui parle de l'existence et que chante, chantonne ou déclame une voix de mezzo - dans le cas présent, la voix bien timbrée de Michèle Losier. L'orchestre considérable et coloré est dans la bonne veine Tremblay, mais trop souvent il engloutit le texte, qu'au surplus l'obscurité de la salle nous empêche de suivre.

La deuxième Symphonie de Brahms occupe l'après-entracte de ses 45 minutes. La disposition des violons à gauche et à droite du podium, avec les contrebasses au fond gauche et les violoncelles devant, semble être adoptée définitivement par Nagano... en attendant la nouvelle salle.

L'orchestre sonne bien ainsi, Brahms de même (sauf ici et là du côté des cuivres). Mais l'événement musical ne s'arrête pas au son. Nagano fait un Brahms froid et carré, qui ne chante pas. Dans les circonstances, on souhaiterait qu'il omette la reprise au premier mouvement.

_____________________________________________________________________________________________________

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Michèle Losier, mezzo-soprano, et Till Fellner, pianiste. Lundi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Grands Concerts». Programme: L'Origine, pour mezzo-soprano et orchestre (2009) (création) - Tremblay; Concerto pour piano et orchestre no 1, en do majeur, op. 15 (1797-98) - Beethoven; Symphonie no 2, en ré majeur, op. 73 (1877) - Brahms