Après la Passion selon saint Jean en 2006, Kent Nagano dirigeait cette semaine l'autre grande Passion de Bach, celle selon saint Matthieu. Le concert, donné mardi soir et repris hier soir, ouvrait le troisième Festival Bach.

La présentation était privée des surtitres français et anglais qui, comme à l'opéra, accompagnaient la Saint Jean. En revanche, le texte, imprimé en trois langues, était distribué aux auditeurs et, miracle, quelqu'un à l'OSM s'était rappelé que, si l'on prend la peine de fournir le texte, il faut de la lumière pour le lire. Donc, pour cette fois-ci, non à l'obscurité dans la salle, presque comble mardi soir.

La partition était donnée dans son intégralité. Les 78 numéros (récitatifs, airs et choeurs), avec tous les «da capo», totalisaient trois heures, entracte de 20 minutes compris.

Le choeur était moins nombreux qu'en 2006 - quelque 70 voix, y compris les enfants - et l'orchestre était encore réduit à une quarantaine d'instruments. Les deux groupes de violons étaient disposés de part et d'autre du podium, avec à leur tête les deux musiciens qui se partagent le poste de violon-solo à l'OSM.

Or, la partition comprend deux solos de violon soutenant des airs (les nos 47 et 51). Nagano fit jouer ces deux solos debout. Style impeccable chez le jeune Andrew Wan (qui bouge trop cependant!), genre plutôt violoneux chez le vétéran Roberts.

À l'orchestre et au choeur, ce fut, pour l'ensemble, une lecture exacte au plan musical, mais plutôt neutre: jamais austère, jamais émouvante. Aux instruments modernes joués avec sobriété, Nagano ajoutait, cette fois encore, quelques éléments d'époque: un archiluth, une viole de gambe.

Comme dans la Saint Jean, certains solistes chantaient de différents points de la scène. La basse allemande Reinhard Hagen, le Sarastro de notre récente Flûte enchantée, fut le héros du concert, incarnant tour à tour Judas, Pierre et Pilate avec autorité et profondeur de voix. Le jeune baryton canadien Tyler Duncan, qui remplaçait le Jésus annoncé, fut impeccable de voix, de style et d'expression. Nagano, metteur en scène de la soirée, l'avait curieusement placé : face au public, mais derrière lui.

Comme en 2006, Christoph Prégardien était l'Évangéliste et chantait les airs de ténor. Presque parfait dans le premier emploi: il articule le récit avec vérité. Mais la voix chantée connaît maintenant de sérieux problèmes et, souvent, était carrément pénible à entendre.

Les deux voix féminines allemandes importées par Nagano n'apportaient absolument rien à l'événement. Ingeborg Danz, simple mezzo (et non contralto, comme on le donnait), a chanté avec application et une justesse souvent approximative. De l'autre, Mojca Erdmann, on n'a presque rien entendu de la voix, si voix il y a.

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MATTHÄUS-PASSION, pour voix solistes, choeur et orchestre, BWV 244 (1728-29) - J.S. Bach. Orchestre Symphonique de Montréal, Choeur OSM (dir. Marika Kuzma) et Choeur des enfants de Montréal (dir. Tiphaine Legrand), Christoph Prégardien, ténor (l'Évangéliste), Mojca Erdmann, soprano, Ingeborg Danz, mezzo-soprano, Tyler Duncan, baryton, et Reinhard Hagen, basse. Dir. Kent Nagano. Mardi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Dans le cadre des Soirées Signature et du troisième Festival Bach de Montréal.