Pour une fois, Kent Nagano a une conception bien précise d'une oeuvre. Le Requiem de Berlioz a toujours étonné par sa modernité - on imagine l'étonnement des Parisiens de 1837 assistant à la création! - et cette audace dans les harmonies, ces étranges grondements des cuivres, ces folles syncopes entre l'orchestre et le choeur, ces paroles à peine murmurées et isolées de la masse orchestrale, tout cela est accentué par Nagano avec le plus grand art et rappelle à cet égard ce que Dutoit fit ici pour Berlioz.

Comme début de saison à l'OSM, on peut parler de grande réussite.

Berlioz souhaitait jusqu'à 800 exécutants pour cette oeuvre qu'il plaçait au-dessus de toutes les autres dans sa production. Nagano fait le nécessaire avec beaucoup moins: l'OSM est augmenté à 107 musiciens et le choeur est de 145 personnes. Deux groupes de cuivres sont postés au parterre de chaque côté de la scène et deux autres à la corbeille. Ils ne parviennent pas à suggérer les quatre points cardinaux, comme le souhaitait Berlioz, mais ils font éclater avec fureur le Tuba mirum aux quatre coins de la salle, que secoue une armée de timbales sur scène.

On souhaiterait simplement que leurs interventions soient mieux encadrées: les musiciens allument et éteignent leurs petites lumières avec un bruit qui s'entend partout à la corbeille. Amateur.

Terrifiant, ce Berlioz est aussi, et surtout, subtil et plein d'un mystère accentué par ces silences que se partagent choeur et orchestre. Le choeur excelle dans la puissance crue et dans la fine nuance - le Quaerens me à six voix a cappella est impeccable -, mais connaît quelques problèmes de coordination. L'orchestre, en revanche, est irréprochable dans toutes les sections.

L'unique solo est le Sanctus, confié à un ténor. Michael Schade le chante juché sur une espèce de boîte qui évoque une fête foraine. La voix comme telle est passable; on la voudrait simplement plus pure et plus juste.

L'audition est un peu plus longue que prévu: 85 minutes, sans entracte. Il faut compter en début de soirée le mot de bienvenue de Me Lucien Bouchard, président de l'OSM.

La salle était comble hier soir et le public a retenu ses applaudissements pour la toute fin.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL et CHOEUR DE L'OSM (dir. Michael Zaugg). Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Michael Schade, ténor. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Reprise ce soir, 20 h, et dimanche, 14 h 30. Programme: Requiem: Grande Messe des Morts, op. 5 (1837) - Berlioz.