Il y a comme deux pianistes chez Jonathan Biss: celui des mouvements rapides et celui des mouvements lents.

Ce qui est indiqué vite est joué soit au tempo souhaité, comme dans Kreisleriana de Schumann, soit plus vite que nécessaire, comme dans la Sonate en la bémol de Haydn. Dans les deux cas, c'est-à-dire qu'il joue vite ou qu'il joue trop vite, M. Biss mange des notes et frappe les mauvais accords, tel un débutant nerveux. Le pauvre garçon s'est tellement embourbé au premier mouvement des Adieux de Beethoven qu'on avait envie de lui lancer: «Arrêtez-vous donc et recommencez, tout simplement...»

En revanche, les mouvements lents trouvent le jeune Américain de 28 ans non seulement irréprochable au plan technique mais inspiré, réfléchi, émouvant même, et mettant son auditeur en pleine confiance. Ces moments-là, plus rares que le reste, nous les avons vécus dans les mouvements lents du Haydn et du Beethoven (le Haydn étant assorti de la petite cadence traditionnelle) et dans les deux mouvements marqués «Sehr langsam» («Très lent») du Schumann.

 

Les trois oeuvres du répertoire courant inscrites au programme de Jonathan Biss mardi soir à l'église de Lavaltrie connurent donc le même sort: dans chaque cas, une interprétation à moitié réalisée, un mélange de bousculade et d'accalmie. Celle-ci accompagna miraculeusement le rappel: le mouvement lent de la Sonate K. 545, en do majeur, de Mozart, irréprochable au plan des notes et continuellement nuancé.

L'invité avait consacré huit minutes de son récital à la musique contemporaine sous la forme de cinq extraits de Jatekok («Jeux»), recueil que le compositeur hongrois György Kurtag a entrepris en 1973 et qu'il continue, à 83 ans, d'enrichir de nouvelles pièces.

M. Biss a joué avec la partition ces miniatures faciles où l'on a reconnu La Fille aux cheveux de lin de Debussy et noté dans une autre le recours à la seule main gauche.

JONATHAN BISS, pianiste. Mardi soir, église de Lavaltrie. Dans le cadre du 32e Festival de Lanaudière.

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