Inconfort et irritation, plaisir et enchantement. Cet inhabituel mélange a marqué l'ouverture du 32e Festival de Lanaudière samedi soir par l'Orchestre Métropolitain et son jeune chef Yannick Nézet-Séguin à l'Amphithéâtre de Joliette inauguré il y a 20 ans cette année.

Le froid intense n'a pas trop nui au box-office: la partie couverte, de 2 000 places, était comble et plus de 1500 personnes se répandaient sur les pelouses. Au total: une «mer humaine» de 3 500 auditeurs, que la température n'avait pas détournés de l'attrayante affiche.

Soirée beaucoup trop longue cependant: près de trois heures. Elle commença par le «mot de bienvenue» du directeur général François Bédard, M. B. A., Adm. A (certainement meilleur administrateur qu'orateur) et un hommage au père Fernand Lindsay sous forme d'un bref montage-vidéo. Extrêmement émouvant, comme si l'homme était toujours là, parmi nous.

Le concert débuta à 20 h 23 avec Pulcinella, partition de ballet de Stravinsky. On en joue habituellement la suite en onze numéros faisant une vingtaine de minutes. Samedi, on donnait la partition intégrale, avec chanteurs, totalisant 40 minutes. C'est l'une des choses les plus assommantes de toute la production de Stravinsky. Le programme n'indiquait que cinq numéros, alors qu'on en compte 18 (!), ne disait rien sur les textes chantés et ne les incluait évidemment pas. Les trois solistes furent corrects, l'orchestre réduit le fut aussi, ou presque, mais il était clair que la foule n'était pas venue pour cela.

L'entracte prit fin à 21 h 30 avec l'apparition au piano, en veston blanc, d'Alain Lefèvre, pour le Concerto en fa de Gershwin - petit salut, sans doute, au Fourth of July de nos voisins. «L'ambassadeur artistique» du Festival se multiplia à tous les niveaux pour cet auditoire accroché à son souffle: geste, force digitale, vélocité, lyrisme quasi orgasmique, remuement de la crinière, pâmoison. Au total: un Gershwin-plus dont le premier mouvement provoqua une ovation telle que le pianiste bondit, alla embrasser le chef et retourna au clavier.

Du pire Stravinsky, on passait ensuite au meilleur: Le Sacre du printemps, la partition la plus audacieuse et, à juste titre, la plus célèbre du compositeur, et l'un des chefs-d'oeuvre absolus du XXe siècle.

Pour cette importante addition à son répertoire, le Métropolitain avait été augmenté à 102 musiciens, soit l'égal de l'«autre» pour le nombre, j'ajouterais même pour l'ensemble de l'exécution, ce qui est d'autant plus significatif que l'acoustique de l'Amphithéâtre ne pardonne rien. Oublions quelques petits ratés chez les vents, sans doute attribuables à l'humidité. Le Sacre de Nézet-Séguin se rapproche de l'idéal: entier dans la sauvagerie et la dissonance, entier dans la subtilité et le mystère.

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ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Solistes: Alain Lefèvre, pianiste, Marianne Fiset, soprano, Antoine Bélanger, ténor, et Alexandre Sylvestre, basse. Samedi soir, Amphithéâtre de Joliette. Concert d'ouverture du 32e Festival de Lanaudière. (Radiodiffusion: Radio-Canada, 8 juillet, 20 h.)

PROGRAMME: Pulcinella, partition de ballet avec trois chanteurs (1920) - Stravinsky Concerto in F, pour piano et orchestre (1925) - Gershwin Le Sacre du printemps, partition de ballet (1913) - Stravinsky