Affiche particulièrement attrayante et, conséquemment, auditoire nombreux mercredi soir au Festival de musique de chambre: Anton Kuerti dans un programme partagé entre Mozart, Beethoven et, pour le double bicentenaire, Haydn et Mendelssohn.

Le pianiste torontois a placé en premier la Fantaisie en do mineur K. 475 de Mozart, qu'il livre dans un phrasé dramatique presque beethovénien mais sans la dureté qu'il y avait mise à Lanaudière il y a quelques années.

Haydn suit, avec la Sonate en mi bémol de 1794, numéro 52 au catalogue Hoboken, chronologiquement la dernière des 62 sonates pour clavier (clavecin ou piano) du compositeur, peut-être aussi la plus connue, grâce notamment à la gravure légendaire de Horowitz.

Il en existe aussi un enregistrement de Kuerti - en fait, un disque Analekta de six sonates de Haydn dont l'artiste refuse de révéler la date de réalisation. Un mystère qui se double d'un autre: mercredi soir, le pianiste de 70 ans a eu un énorme trou de mémoire à la reprise du premier mouvement. Il s'est perdu plusieurs fois durant le reste du programme, chaque fois d'une façon beaucoup moins flagrante cependant.

On n'accepterait pas une telle chose de la part d'un musicien de moindre envergure. Mais Anton Kuerti est un musicien tellement complet et un interprète tellement convaincant que ces erreurs d'un soir s'estompent vite devant tout ce qu'il nous apporte comme substance musicale.

La chevelure en bataille et balayant presque le clavier, Kuerti déploie une technique vertigineuse qui reste un moyen et non une fin: sous ses doigts, la musique occupe toujours la première place. Comme son Mozart, son Haydn possède cette espèce de force beethovénienne qui caractérise tout ce qu'il touche. De Beethoven, précisément, il avait choisi la «petite» Sonate op. 31 no 1, faite surtout d'humour.

Mendelssohn occupait l'après-entracte, avec quatre oeuvres dont les deux seules connues restent les meilleures: les Variations sérieuses et l'Andante et Rondo capriccioso. Kuerti est passé un peu vite sur l'une et l'autre. Peut-être voulait-il oublier ce qui avait précédé. De ce côté-ci, c'était déjà fait.

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ANTON KUERTI, pianiste. Mercredi soir, St. James United Church. Dans le cadre du 14e Festival de musique de chambre de Montréal.