«Une voix dans la nuit», le titre que les Violons du Roy donnaient à leur concert de samedi soir, salle Claude-Champagne, s'appliquait presque exclusivement à une seule oeuvre: Verklärte Nacht, de Schoenberg, qui couronnait le programme. C'est la fameuse Nuit transfigurée qui offre la particularité d'être la composition la plus connue mais aussi la moins représentative du père de la musique atonale puisqu'elle est en ré mineur.

Schoenberg l'écrivit pour sextuor à cordes en 1899 et la transcrivit pour orchestre à cordes en 1943. L'ensemble québécois de Bernard Labadie avait joué cette version agrandie en 1999, à Pollack, avec un chef invité, Raffi Armenian. Il la reprenait samedi avec Jean-Marie Zeitouni, son premier chef invité, et dans un nouveau contexte: avant l'exécution, l'omniprésente soprano Karina Gauvin, soliste du concert, lut une traduction française du poème de Richard Dehmel qui inspira Schoenberg.

L'initiative n'était pas mauvaise mais la réalisation fut sans intérêt, voire un peu gauche, la lecture de poèmes n'étant pas précisément la spécialité de Mme Gauvin. L'atmosphère attendue vint de l'orchestre, et principalement de la masse des cordes et de leurs trémolos car maints détails manquaient de précision.

Ce son plein et vibrant des 25 cordes, Zeitouni le fit admirer dès le début du concert dans le Cantus in memoriam Benjamin Britten d'Arvo Pärt, brève page minimaliste assortie d'un tintement de cloche provenant d'une loge latérale.

Avec de la suite dans les idées, on passa ensuite à Britten et à son cycle Les Illuminations, sur des poèmes de Rimbaud. Cette oeuvre m'a toujours laissé insatisfait: les textes sont hermétiques et ils sont placés trop haut dans la tessiture, ou noyés par l'orchestre, pour permettre à l'auditeur de saisir tous les mots. Karina Gauvin, qui chantait de mémoire, déploya d'évidents efforts d'articulation pour clarifier la situation, et ce à travers une inhabituelle dramatisation de la délirante conjugaison Rimbaud-Britten.

Cette approche servait moins bien les mélodies de Poulenc, Fauré et Debussy, qui suivaient. L'interprétation, cette fois, manquait de simplicité. Sans doute Mme Gauvin l'avait-elle voulue ainsi pour cadrer avec les orchestrations par trop luxuriantes de M. Zeitouni.

Ce programme fera l'objet d'un enregistrement où il sera augmenté d'une autre pièce: une mélodie de Britten pour soprano et cor, que le corniste Louis-Philippe Marsolais et Mme Gauvin donnèrent en guise de rappel.

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LES VIOLONS DU ROY. Chef invité: Jean-Marie Zeitouni. Soliste: Karina Gauvin, soprano. Samedi soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.