Un seul élément à retenir de cette longue soirée OSM de plus de deux heures assortie d'interventions diverses: le Mozart, et plus précisément l'interprétation du pianiste Emanuel Ax du grand Concerto K. 503, en do majeur.

Ce fin musicien d'origine polonaise, 60 ans cette année, ne fait pas partie des pianistes «célèbres». Certains sont beaucoup plus connus mais lui sont inférieurs. Question de marketing, de personnalité. Emanuel Ax n'a rien d'une vedette médiatique. L'homme qui entre en scène simplement, tel un commis voyageur, salue gauchement et s'asseoit au piano est là pour servir la musique et c'est ce qu'il fait, sans gestes inutiles, prêtant l'oreille aux diverses voix orchestrales, comme en musique de chambre.

Ce Concerto K. 503, on l'a entendu tant et plus. Emanuel Ax en renouvelle l'écoute grâce à un discours toujours senti où chaque note a sa valeur, où rien n'est routinier. L'articulation est immaculée, le jeu est tour à tour puissant et subtil.

Mozart indique de faire une cadence à la fin du premier mouvement, mais aucune cadence de sa main ne nous est parvenue. Anda, Barenboïm, Brendel, Engel, Gulda, Kuerti, pour ne nommer que ceux-là (et par ordre alphabétique), y jouent leur propre cadence. M. Ax a joué, sans l'identifier, la cadence de Brendel. Au mouvement lent, il a ornementé le discours, comme cela se fait couramment. Bref, une totale réussite où l'attentif Nagano et l'orchestre ont aussi leur part.

Le début du concert découvre une scène presque vide: sept musiciens seulement, dont un percussionniste au milieu d'une panoplie d'instruments, plus deux «chanteuses de gorge» qui, debout et face à face, émettent une infinie variété de bruits de bouche.

Ce tableau évocateur des traditions inuits est signé Alexina Louie et dure 21 minutes. Interviewées sur scène par Kelly Rice, les deux chanteuses sont, dans le genre, des virtuoses. Côté instrumental, cela est coloré, tantôt sous-Stravinsky, tantôt minimaliste. Mais on ne voit pas ce que ce divertissement vient faire dans un concert de musique symphonique.

Nagano fait la troisième Symphonie de Brahms avec la reprise au premier mouvement et y totalise 43 minutes. À son habitude, il soigne les détails et souligne certains éléments au détriment d'autres. Par exemple, au mouvement lent, il entoure l'entrée du deuxième thème d'une sorte de mystère, alors qu'au mouvement suivant, le très beau thème confié aux violoncelles ne chante absolument pas. Sans intérêt, finalement, ce Brahms.

On a beaucoup parlé au micro lors de ce concert. Et pourtant, pas un mot d'hommage au père Fernand Lindsay, qui avait invité l'OSM à la création du Festival de Lanaudière, il y a plus de 30 ans.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Emanuel Ax, pianiste, Evie Mark et Taqralik Partridge, chanteuses de gorge. Mardi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Grands Concerts». (Radiodiffusion: Radio-Canada, 27 avril, 20h.) Programme: Take The Dog Sled, pour voix et instruments (2008) - Louie Concerto pour piano et orchestre no 25, en do majeur, K. 503 (1786) - Mozart Symphonie no 3, en fa majeur, op. 90 (1883) - Brahms.