La soirée de vendredi à MusiMars fut marquée d'imprévus. Deux concerts étaient programmés, l'un à Pollack, l'autre à Redpath. Une oeuvre fut retirée du premier, le guitariste new-yorkais qui devait la jouer s'étant fracturé un bras sur nos trottoirs glissants. Ce qui n'est rien en comparaison des changements qui, pour diverses raisons, affectèrent le deuxième programme, partagé entre le violoncelliste Matt Haimovitz et le pianiste Jean Marchand.

Du programme original, il n'est resté, en effet, que trois minutes, soit la durée des Drei kleine Stücke op. 11 de Webern. Trois minutes sur un total d'une heure et demie sans entracte. Les pièces de remplacement n'en formaient pas moins un programme substantiel - dans le contexte bien particulier de MusiMars - et trouvèrent en parfaite forme à tous égards les deux musiciens, placés sur une petite scène au centre de la salle à demi obscure.

 

Du centenaire Elliott Carter, dont il avait joué plus tôt cette saison (et enregistré) la très difficile Sonate, Haimovitz offrit deux pièces pour violoncelle seul aux étranges effets sonores. Pour violoncelle seul également, celle d'Ana Sokolovic reste assez conventionnelle à côté de la Sarabande pleine de grincements, glissandos, pizzicatos et doubles cordes de Luna Pearl Woolf, épouse du violoncelliste.

Jouant seul à son tour, Marchand livra les six courtes pièces op. 19 de Schoenberg dans un geste presque romantique, ignorant les cris d'un bébé venus du fond de la salle, et il profita du changement de programme pour ressusciter le nom de Serge Garant dont la Cage d'oiseau révèle une exploitation étonnante, pour l'époque (1962), de l'ambitus complet du clavier.

Morton Feldman était maintenu, mais représenté par d'autres pièces: l'une pour piano seul, l'autre pour violoncelle et piano. Cette musique est ridicule, avec ses très petits sons espacés de silences, comme si les exécutants craignaient de toucher à leurs instruments. Ils effleurent aussi clavier et violoncelle dans la pièce de György Kurtag, mais ici le titre de Schatten (ombres) le justifie.

Jeté au milieu de ce curieux assemblage, l'Adagio de la Sonate pour violoncelle et piano op. 102 no 2 de Beethoven apportait une émotion qui manquait au reste et, en même temps, paraissait hors-contexte avec son accord final non résolu. Il eût été original de donner comme rappel le mouvement qui s'y enchaîne. Haimovitz et Marchand choisirent plutôt un mouvement du Quatuor pour la fin du Temps, de Messiaen.

MUSI/MARS. Sixième concert, vendredi soir, Redpath Hall de McGill.