Il y a trois semaines, le Studio d'opéra du Conservatoire de musique présentait L'Enfant et les Sortilèges dans une simple version concert, mais avec orchestre, à la salle Maisonneuve de la PdA, sous la direction de Raffi Armenian, qui est aussi le nouveau directeur de la maison.

Ce week-end, la même distribution de 16 étudiants en chant reprend la célèbre fantaisie lyrique de Ravel (d'après Colette), cette fois au nouveau théâtre de 225 places du Conservatoire de l'avenue Henri-Julien, dans une mise en scène avec décors et costumes, mais sans orchestre. On a remplacé l'orchestration très colorée de Ravel par une réduction, signée Didier Puntos, pour piano à quatre mains, flûte et violoncelle.

 

Étant donné que l'opéra de Ravel dure moins d'une heure, on le fait précéder d'un récital de mélodies, de Ravel encore, où se succèdent une demi-douzaine de chanteurs qui reviendront ensuite dans l'opéra. Le spectacle entier - une heure et demie, sans entracte - est signé Suzanne Lantagne, professeur au Conservatoire d'art dramatique.

Un mot, tout d'abord, sur la nouvelle salle, appelée «Théâtre du Conservatoire d'art dramatique». Les sièges sont disposés en gradins, ce qui assure une bonne vue de partout, et l'acoustique s'est révélée sans problèmes pour le présent événement. La direction assure qu'un orchestre pourra aussi s'y produire. Reste à savoir comment une telle formation y sonnera.

Comme tous les metteurs en scène, Mme Lantagne est pleine d'idées. Celles-ci ne sont pas nécessairement toutes bonnes cependant. Les déplacements d'un bout à l'autre du vaste plateau et les effets d'éclairage qu'elle multiplie dans la partie récital serviraient sans doute, et magnifiquement, d'autres sujets. Dans le présent contexte, ils paraissent chargés et prétentieux. Ils n'apportent rien aux textes et aux mélodies qu'ils relèguent, en fait, en deuxième place.

Pourquoi, par exemple, costumer en quelque Butterfly l'interprète de l'une des Chansons madécasses et commander des gestes de boxeur à celui qui va chanter Don Quichotte à Dulcinée? Pour nous faire oublier un niveau de chant plutôt ordinaire? Peut-être. Un seul de ces chanteurs se démarque, en effet: John Giffen, au registre grave assez étonnant.

Quant à la production même de L'Enfant et les Sortilèges, elle fait souhaiter qu'on laisse de côté cette oeuvre pendant un certain temps pour penser à autre chose, surtout que les deux productions locales les plus récentes, celle de McGill et celle de l'OSM, toutes deux en 2007, ont laissé un souvenir plutôt amer.

Le texte de Colette mis en musique par Ravel est simple: un enfant, que sa mère a puni de sa paresse, est harcelé par les animaux et les objets sur lesquels il s'est vengé de sa punition. Tout ce qu'on doit voir est indiqué dans la partition: l'enfant fracasse théière et tasse, s'attaque à un écureuil, tire la queue du chat, déchire les personnages représentés sur une tenture, se pend au balancier d'une horloge. Rien de tout cela n'est très clair dans la mise en scène abstraite et fantaisiste de Mme Lantagne, qui fait s'envoler des centaines de feuilles blanches d'abord empilées comme des blocs et qui demande à ses jeunes interprètes inexpérimentés de se jeter et se rouler par terre, de sauter et de ramper, sans qu'il y ait là un lien réel avec le sujet.

Concernant les voix, mêmes remarques qu'à la présentation concert: trémolo chez l'Enfant, beau contralto chez Maman, brillantes vocalises de l'interprète du Feu, ensemble réussi quant aux voix et au jeu, bien que la diction laisse souvent à désirer.

SPECTACLE RAVEL. Théâtre du Conservatoire de Montréal. Vendredi soir, reprise auj., 16h.