Le concert-bénéfice de l'Institut du cancer de Montréal prenait cette année la forme d'un programme de pages d'opéras réunissant deux chanteurs locaux bien connus, la soprano Gianna Corbisiero et le ténor Marc Hervieux, ainsi que le Choeur et l'Orchestre Métropolitain dirigés par leur chef Yannick Nézet-Séguin.

Rentrant d'on ne sait plus quel engagement à l'étranger, notre jeune chef-globe-trotter anima orchestre et choeur avec cette énergie dévorante qui ne cesse d'étonner chez un si petit homme. Nézet est partout à la fois, indiquant chaque entrée et chaque nuance tant au choeur qu'à l'orchestre, en plus de respirer, pour ainsi dire, avec les deux chanteurs.

 

Cette gestique en mouvement perpétuel peut être énervante pour l'oeil - sa partition est même tombée du lutrin à un moment donné! -, mais elle n'est certainement pas gratuite. Je connais la sincérité de Nézet: c'est sa façon à lui d'obtenir ce qu'il veut. Vendredi soir, il a poussé son orchestre et son choeur à leur maximum, non seulement dans le sens de la puissance, mais encore des plus fines nuances.

À cet égard, il suffit de rappeler, par exemple, l'articulation des violons dans l'ouverture des Nozze di Figaro ou les solos de flûte et de hautbois dans les pages orchestrales de Carmen. Même soin des détails chez le choeur et notamment le célèbre «Va pensiero» de Nabucco, où les voix se prolongeaient au-delà du dernier accord de l'orchestre.

Le programme était français en première partie et italien en seconde. Les voix de Gianna Corbisiero et de Marc Hervieux avaient une chose en commun: la puissance. Il y eut chez elle et chez lui de fort beaux moments et d'autres moins heureux. Sans entrer dans les détails, je me limiterai à dire que les deux auraient intérêt à travailler le style.

Paraissant dans trois robes différentes au cours de la soirée, Mme Corbisiero, d'abord aguichante en Carmen, se fit ensuite toute simple pour Juliette et pour Mimi. Son grand numéro fut cependant la scène où Manon parvient à ramener à elle un Des Grieux réfugié au séminaire. Le fameux duo frisait parfois la parodie, mais il était vécu, c'est le moins qu'on puisse dire! M. Hervieux, quant à lui, projeta tout, du commencement à la fin du concert, avec la même voix de stentor.

Ovationnés par une salle presque comble, les deux chanteurs donnèrent en rappel le populaire duo «Heure exquise qui nous grise» de La Veuve joyeuse, de Lehar.

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«CONCERT CONTRE LE CANCER». Orchestre Métropolitain du Grand Montréal et Choeur de l'OMGM. Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Solistes: Gianna Corbisiero, soprano, et Marc Hervieux, ténor. Vendredi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.