Les catalogues de disques regorgent d'intégrales des cinq Concertos pour piano de Beethoven, certains pianistes, comme Brendel, les ayant enregistrés jusqu'à quatre fois. De nouvelles intégrales sont régulièrement entreprises, illustrant l'intemporalité de ces oeuvres géniales qu'on n'a jamais fini d'interroger.

La dernière parution est celle d'Evgueny Kissin, avec Sir Colin Davis et l'Orchestre Symphonique de Londres, chez EMI. Deux générations séparent le pianiste russe, né en 1971, et le chef britannique, né en 1927. L'accord entre les deux est pourtant idéal et se manifeste par un discours toujours jeune et dynamique en même temps que profondément musical.

 

Pianiste et chef n'en sont pas à leur premier Beethoven au disque: Kissin avait enregistré les Concertos nos 2 et 5 avec James Levine et le Philharmonia, chez Sony, il y a une douzaine d'années, et Davis dirigeait la Staatskapelle Dresden dans l'une des intégrales de Claudio Arrau, chez Philips.

J'éprouve une légère déception devant ce nouveau coffret, et ce avant même d'en entendre la première note. Encore une intégrale des cinq mêmes concertos traditionnels, me dis-je, alors qu'il aurait été tellement plus intéressant d'y ajouter les deux concertos de jeunesse et la transcription pour piano, par Beethoven lui-même, de son concerto pour violon. Ce qui nous aurait donné la première véritable intégrale des huit concertos pour piano.

Déception vite passée, dois-je m'empresser de préciser. Kissin montre ici qu'il est davantage qu'un prodigieux technicien: un musicien qui pense, un interprète racé. Il y a ici à peine l'ombre d'un maniérisme; il n'y a surtout aucune routine. Le jeu est toujours d'une extrême clarté et toujours expressif, l'orchestre est remarquablement allégé du côté des cordes et détaillé chez les vents, le tout suggérant la musique de chambre.

Certains mouvements lents sont pris à une lenteur inhabituelle, le finale du premier Concerto se déroule à une vitesse folle et le début du troisième Concerto est un peu mou pour un «con brio». Ce sont mes seules réserves, encore que le résultat reste toujours dans les limites de l'acceptable. Kissin atteint une étonnante profondeur dans le quatrième Concerto et apporte une véritable grandeur au célèbre Empereur trop souvent abordé comme un tapageur morceau de virtuosité. Les cadences entendues sont celles de Beethoven.

BEETHOVEN: LES CINQ CONCERTOS POUR PIANO

EVGUENY KISSIN, PIANISTE, ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE LONDRES, DIR. SIR COLIN DAVIS

EMI, COFF. 3 D., 2 063 112

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