Mardi, soir d'élections, près de 3000 personnes remplissent la salle Wilfrid-Pelletier pour écouter Alain Lefèvre jouer le deuxième Concerto de Rachmaninov. Le plus médiatisé de nos pianistes avait joué ce concerto à l'OSM il y a cinq ans. Après l'avoir repris maintes fois depuis, il vient d'en donner une interprétation plus intéressante que dans le passé.

Pianistiquement, cela est, du commencement à la fin, d'une exceptionnelle clarté: on entend tout à la main droite et tout à la main gauche. Un léger désaccord avec le chef Jean-François Rivest est apparent dès les premières mesures, mais Rivest comprend vite qu'il doit suivre le soliste, même dans ses rubatos les plus excessifs. Il lui fournit d'ailleurs un superbe coussin de cordes au mouvement lent.

 

Lefèvre succombe ici et là à une sorte de théâtralisme. Car si certains l'écoutent les yeux fermés, d'autres sont venus le voir. Et ils le regardent, ravis, déferler les octaves de la fin à une vitesse absolument fiévreuse - ce qui lui coûte, il est vrai, quelques petites fautes de frappe. Pour l'ensemble, son Rachmaninov possède puissance et lyrisme à dose égale.

Ce programme entièrement russe débute par un Prokofiev, la rare et bruyante ouverture de Guerre et Paix, qui découvre au sein de l'orchestre certaines imperfections qui marqueront toute la soirée, principalement chez les cuivres. Les notes sont là, mais elles sont laides. Des Danses polovtsiennes, il ne reste que le chahut final du tuba; de la chatoyante suite de L'Oiseau de feu, que la Berceuse, avec son solo de basson et sa descente de cordes en trémolos. Dutoit ne reconnaîtrait pas son orchestre. L'Ouverture 1812 est avant tout tapageuse. Rivest effleure le chant des cordes et met l'accent sur l'élément triomphaliste: cloches, timbales et grosse caisse.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Jean-François Rivest. Soliste: Alain Lefèvre, pianiste. Mardi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Air Canada».Programme: Ouverture de l'opéra Guerre et Paix (1946) - Prokofiev Concerto pour piano et orchestre no 2, en do mineur, op. 18 (1900-01) - Rachmaninov Danses polovtsiennes de l'opéra Le Prince Igor (1890) - Borodine Suite du ballet L'Oiseau de feu (1919) - Stravinsky L'Année 1812: Ouverture solennelle, op. 49 (1882) - Tchaïkovsky.