Renée Fleming avait chanté d'une façon à la fois correcte et convaincante au concert-bénéfice Concordia-Orchestre Métropolitain de mai dernier. On ignorait alors qu'elle avait, le mois précédent, enregistré les Vier letzte Lieder de Richard Strauss avec Christian Thielemann et l'Orchestre Philharmonique de Munich, chez Decca. On le sait maintenant: le disque vient de sortir et nous ramène hélas! la chanteuse américaine avec ses maniérismes et même un nouveau tic: le recours aux notes de poitrine, et ce dès la toute première phrase. Approprié au vérisme italien, le procédé paraît déplacé en musique allemande et enlaidit une voix qui, pourtant, reste foncièrement agréable.

Ces quatre mélodies avec orchestre, ultimes créations du compositeur octogénaire sur des poèmes de Hesse et d'Eichendorff, parlent de jardin trempé de pluie, de crépuscule, de sommeil... Fleming les chante à pleine voix, comme d'héroïques airs d'opéra, ignorant leur intime et mélancolique pressentiment de la mort.

 

En comparaison, sa version de 1995 (Eschenbach, Houston, RCA) reste convenable, bien qu'elle n'efface pas le souvenir de l'immense et fragile Elisabeth Schwarzkopf dont on possède trois versions, toutes chez EMI.

La considérable discographie des Vier letzte Lieder - ou «Quatre derniers lieder», si on veut absolument traduire - est unique en ce qu'elle remonte à la créatrice du cycle. La légendaire Kirsten Flagstad en donna la première à Londres le 22 mai 1950, sous la direction de Wilhelm Furtwängler, et un enregistrement live réalisé à cette occasion nous permet de vivre aujourd'hui, malgré l'ancienneté de la gravure, l'émotion générée par la grande voix wagnérienne de l'époque.

Étrangement, Flagstad chantait les quatre pièces dans un ordre différent de celui de la partition, qui est, bien sûr, l'ordre suivi aujourd'hui. Il existe plusieurs éditions de ce document. Certaines ont rétabli l'ordre de la partition. La marque Simax, dans l'un de ses coffrets consacrés à Flagstad, nous donne les Vier letzte Lieder dans l'ordre où la cantatrice norvégienne les créa.

J'allais oublier le disque de Mme Fleming. Il est complété par d'autres Strauss: quatre lieder avec orchestre et des airs d'opéra, soit trois de Ariadne auf Naxos et un de la rare Die ägyptische Helena. Cette fois, le résultat est meilleur, principalement lorsque Fleming-Helena se donne entièrement à la passion exprimée par le texte et la musique. Mais il est trop tard: ces quelques minutes ne rachètent pas ce qui précède.

CLASSIQUE

RENÉE FLEMING, SOPRANO: RICHARD STRAUSS.

DECCA, 4 780 647

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