Absent de notre scène musicale depuis 12 ans, Pierre Pincemaille nous revient, toujours éblouissant virtuose de l'orgue et, surtout, possesseur de cette science organistique grâce à laquelle il peut aller au maximum des possibilités offertes en une heure de fréquentation d'un instrument nouveau pour lui.

Le titulaire de la basilique-cathédrale Saint-Denis, à Paris, avait joué ici trois fois: en 1988 et 1989 à l'Oratoire et en 1996 à Saint-Jean-Baptiste. Les Concerts Lachine invitaient hier l'organiste de 51 ans, présentement dans une nouvelle tournée en Amérique. Avant son départ, soit cet après-midi même, à 16h, M. Pincemaille donne une conférence-master-class à la tribune de Saint-Jean-Baptiste.

 

Pour son récital d'hier, il avait établi un programme axé sur la virtuosité, le mot «virtuosité» étant pris ici dans un sens où musique et distinction ont toujours la première place. Au départ, un souci accompagnait sans cesse l'exécution virtuose: celui de mettre en valeur les ressources du Casavant de 65 jeux des Saints-Anges.

Ce qui fut fait dès le troisième Choral de Franck, la pièce d'entrée, où une registration extrêmement fournie conférait un rare dramatisme à un discours déjà anxieux. Les deux mouvements retenus de la deuxième Symphonie de Vierne formaient un contraste frappant: Choral débutant sur un gros jeu de pédale, Scherzo très léger, avec un octavin comme Vierne en demande dans sa partition.

Pour éviter des longueurs, l'organiste s'en était tenu à deux mouvements du Vierne et au volet final du Prélude, Adagio et Choral varié sur le Veni Creator de Duruflé. Ces oeuvres sont en effet très longues et gagnent certainement à être présentées ainsi. Le Choral du Duruflé contient d'ailleurs l'essentiel: le thème et quatre variations, assorties hier de couleurs toujours intéressantes.

M. Pincemaille n'a pas coupé dans Le Banquet céleste de Messiaen - qui ne fait que 25 mesures! - mais il l'a pris un peu moins lentement que l'auteur dans son enregistrement de 1956 (7'15, contre 6'00 hier). Pour le «staccato bref, à la goutte d'eau» (sic), l'organiste s'est contenté d'un staccato normal et non aquatique. Mais il a trouvé une géniale couleur pour le staccato final, marqué «irisé», et alla chercher le point final dans les extrêmes profondeurs de l'orgue.

Il avait réservé la fin du récital au transcripteur et à l'improvisateur. Dans son arrangement de trois mouvements de L'Oiseau de feu, de Stravinsky, les groupes orchestraux se répondent avec grand éclat sur les quatre claviers manuels où courent les deux mains. Un grand écran permettait d'ailleurs de suivre son jeu. On aimerait quand même plus de douceur dans la Berceuse; on note aussi une fin un peu relâchée.

L'improvisateur couronne son récital par un Prélude, Choral et Variations de 21 minutes sur le cantique Nous chanterons pour Toi, Seigneur. Combinaisons très originales de jeux, masses d'accords en mouvement, changements subits de tempo, effets de choc, surprises de toutes sortes: on trouve de tout dans ce triptyque... et on y retrouve toujours le thème, si métamorphosé soit-il.

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PIERRE PINCEMAILLE, organiste. Hier après-midi, église des Saints-Anges de Lachine (orgue électropneumatique Casavant, 1920-2001, 65 jeux, quatre claviers manuels et pédale).