Laurence Nerbonne a créé la surprise en novembre dernier en lançant Fausses idoles, un premier extrait hip-hop qui donne le ton à son nouvel album FEU, à paraître le 19 avril. Plus assumée et revendicatrice que jamais, la chanteuse a répondu sans filtre aux questions de La Presse autour de son virage musical.

Plus de la moitié du nouvel album a un son hip-hop alors qu'on vous a connue jusqu'ici beaucoup plus pop. Pourquoi ce virage?

Ça fait super longtemps que ça fait partie de moi. Le premier disque que j'ai acheté était celui de LL Cool J. J'étais très sportive, j'ai joué au basket pendant 15 ans et, avec mon équipe, on sortait dans les bars danser sur du hip-hop. J'ai grandi sur du Missy Elliott: c'est la première affaire qui m'a accrochée, probablement parce que c'était une fille, une femme forte qui chantait et faisait ses beats. Plus récemment, je suis devenue une fan de Post Malone et je suis tombée en amour avec la musique trap.

Pour mon premier album, je n'étais pas encore rendue là, même si je voulais déjà faire des tounes plus «badass». Quand je me suis installée pour faire le second, les beats reggaeton et le tropical house de mon premier disque étaient un peu dépassés. Je voulais pousser les beats plus loin, mais aussi continuer de faire de la pop. Rihanna peut autant faire Bitch Better Have My Money qu'Umbrella. Les chansons de Cardi B ont des refrains très pop. J'emprunte des éléments hip-hop. Mais je ne me prétends pas une rappeuse!

Avez-vous une certaine appréhension par rapport à la réception du milieu hip-hop?

Je ne pensais même pas mettre Fausses idoles sur l'album! Je l'ai faite pour le fun, pour me défouler. Mais ma gérante m'a convaincue. Je trouvais ça excitant, j'avais le goût de provoquer un peu le milieu, de m'amuser. Je suis là, me voici! J'ai enlevé beaucoup de filtres et c'est plus proche de qui je suis dans la vie. Le rap n'appartient à personne au Québec. C'est un petit milieu et il n'y a presque aucune fille dans la plupart des labels. Je ne peux pas trop m'identifier à qui que ce soit. Je ne m'attends pas à une validation du milieu. Je propose quelque chose de différent, plus trap. Il y a des gens qui se retrouvent dans Fausses idoles. C'est ce qui compte.

Comment expliquez-vous qu'il y ait encore peu de femmes en hip-hop au Québec?

Je pense que c'est vraiment difficile de faire quelque chose de «badass» en français. Ça m'a pris beaucoup d'essais-erreurs. On n'est pas habitués à voir des filles désinvoltes. Je voulais casser l'image des filles bien rangées, belles et gentilles. On a le droit de faire une toune un peu fâchée ou revendicatrice. On a besoin de ça, surtout avec ce que l'on vit socialement et politiquement. La question des genres, je n'en parlerais pas si ce n'était pas nécessaire. Je ne vois pas de différence entre Cardi B et Travis Scott. Il faut des projets qui se démarquent. J'essaie de faire une proposition logique et de qualité.

Sur le titre Me Too, vous dites notamment: «Les galas te font jamais gagner, les radios te font jamais tourner, t'es trop grosse pour faire de la TV. Pour une fille, t'es capable de rapper. Je te dis fuck you.» Quel message se trouve derrière cette chanson?

Il y a une part de fiction là-dedans! Dans le refrain, ça dit: «Moi aussi». C'est un peu pour représenter ces filles qui vivent ça à leur manière. Le «Me too» est utilisé au sens le plus large. On a beaucoup parlé du mouvement récemment, et c'était logique pour moi de faire une chanson. J'ai vraiment failli enlever le «fuck you» de la chanson. Mais je ne le dis pas à quelqu'un en particulier et ça va défouler tout le monde en spectacle!

C'est un peu le point de départ de l'album, non?

Ç'a commencé plus poliment avec des chansons plus pop. J'ai senti que beaucoup de filles avaient le goût d'exploser, de s'affirmer au sein de la société. J'avais le goût de le faire un peu pour tout le monde. Pour ma nièce qui va grandir, pour des amies qui vivent des injustices. J'avais le goût de dire les choses comme je suis dans la vie. C'était un peu difficile, car j'avais l'impression de moins contrôler les choses. Je devais montrer un côté plus brut de moi-même. Si on fait de l'art, c'est surtout pour dire des choses. Je parle de moi, mais je voulais parler des autres, des gens autour de moi. Quand j'ai commencé l'album, je vivais pas mal de révoltes, par rapport au milieu notamment.

Êtes-vous écoeurée du milieu?

Disons qu'il manque de liberté dans le milieu. Quand on regarde les panels de personnes qui prennent des décisions, tout le monde a 65 ans, il y a une mentalité de fonctionnaire complètement décalée avec ce qui se fait dans le monde. Il y a beaucoup de hiérarchie, de codes. Je ne crois pas vraiment en tout ça. Il y a beaucoup de choses à réinventer. Beaucoup d'artistes autour de moi se sentent comme moi. Le milieu ne répond pas à leurs attentes en tant qu'artistes. Personne dans le milieu en haut de la hiérarchie ne se pose la question de savoir pourquoi les trois quarts des artistes ont des problèmes anxieux, sont en dépression, parce qu'ils n'ont pas de soutien adéquat. On peut dire que le milieu est un peu malade. La musique va bien, le talent aussi, mais il y a quelque chose qui se passe avec le disque qui disparaît. Il faudrait faire quelque chose!

En écoutant Fausses idoles, nombreux ont été les gens qui ont pensé que ce titre s'adressait à Marie-Mai. Qu'en est-il?

En écrivant la toune, je n'ai voulu attaquer personne. Si les gens font une association, ce n'est pas vraiment entre mes mains. La musique que je fais, je travaille fort pour la faire. J'ai un peu établi mon style avec le premier album. Dans la chanson, ça dit que je laisse le tropical house aux autres, que je ne vais pas faire deux fois le même album. Ma seconde réponse à votre question est : si le chapeau te fait, mets-le! Avec un clin d'oeil...

L'album FEU de Laurence Nerbonne sortira le 19 avril. Elle sera au festival Métro Métro le week-end du 18 mai puis en spectacle au Centre Phi le 23 mai.