Jérôme Charlebois lance ces jours-ci son cinquième album, Fun noir, où il allie son humour débonnaire à une vision plus sensible du monde. Nous avons discuté avec l'auteur-compositeur-interprète de son affection pour la musique antillaise, de légèreté et de sexe.

Tu sors cet album en format numérique seulement. Pourquoi?

C'est normal qu'on soit rendus là. J'ai des copies physiques seulement pour en vendre après mes spectacles. J'ai fait cet album sur quatre ans. J'accumulais les chansons, et c'est mon réalisateur Hugo Perreault, avec qui j'avais fait mon quatrième disque, qui m'a fait comprendre que j'avais un son intéressant et qui m'a encouragé à en écrire d'autres. Ça donne un disque plus travaillé parce que j'ai pris mon temps pour lui trouver une unité.

Quel est le lien entre les neuf chansons?

C'est plus éclaté, plus baveux, plus rythmé... Le son et les textes sont plus urbains, il y a une folie que je me suis permise. Le disque s'appelle Fun noir, ce n'est pas pour rien, entre le côté festif et celui plus sombre des textes. Je garde toujours mon style et mon identité, mais mon humour est peut-être plus subtil. Je suis plus engagé dans certaines chansons, comme dans Par les couilles et Boomshakalaka, qui porte sur la place qu'occupent les filles en musique.

L'humour reste quand même ton principal véhicule?

Oui, mais c'est assez varié quand même. Ce sont les relations humaines qui sont importantes dans ce disque. Et il y a cette reprise que je fais de Fruit de la passion, de Francky Vincent, dont je suis très content. C'est une toune osée à la base et je l'ai adoucie, mais je ne voulais pas me barrer de ça, il faut continuer de déconner sur le plaisir de l'humain. C'est plate de trop faire attention. Pour moi, c'est de l'humour, oser parler du sexe, entre guillemets, de façon normale et festive. Que ce ne soit pas un drame.

Mais comment justifie-t-on la reprise d'une chanson dont le ton et la manière semblent avoir mal vieilli?

À la base, elle était plus osée, trop imagée, il parlait de son canon, par exemple, et j'ai enlevé ça. Je ne pense blesser personne avec ma version. Cette chanson, pour moi, ce sont mes racines de la Guadeloupe, je l'écoutais quand j'étais jeune. Ç'a été un gros hit en France aussi. Aussi, c'est rare qu'on ait le droit de changer les paroles, et je suis fier de ça parce que c'est ma création aussi. Ce n'est pas évident avoir l'accord de l'artiste, je le respecte et le remercie.

Tu n'as pas l'impression que ce genre de paroles peut surprendre, surtout pour un auditeur qui ne connaît pas l'originale?

C'est osé, mais justement, j'ai voulu juste dire que c'est encore faisable d'aller là et de faire un peu d'humour. Il ne faut pas trop s'en faire avec ça.

Il y a un deuxième degré dans ta décision de la reprendre?

Je le fais vraiment de bon coeur. Si quelqu'un se sent blessé, je m'en excuse d'avance, mais je n'ai pas de crainte. C'est sûr qu'avec ce qui se passe, j'y ai pensé. Et je l'assume. Je ne pense pas non plus qu'il faille retourner dans le passé et la barrer.

La barrer et décider de la reprendre, ce n'est pas la même chose.

C'est vrai. Mais au bout du compte, cette chanson va chercher une clientèle très différente. Quand je la faisais en show, les gens aimaient ça et c'est ce qui m'a poussé à la mettre sur l'album. Et puis aujourd'hui, il faut oser, sinon ça passe comme dans du beurre. On ne va pas en faire un drame! Ça défoule, et il n'y a rien de flagrant ou de vulgaire.

Tu finis le disque avec la chanson Le zouk. C'est important pour toi de rendre hommage à tes racines antillaises?

J'ai grandi en Guadeloupe, je suis allé à l'école là-bas, mes parents vivent là depuis 30 ans. J'y étais encore il y a deux semaines. Oui, c'est important, et c'est la première fois que je me le permets sur disque. Mais je l'ai placée en dernier pour casser le moule: elle est différente des autres, mais j'ai envie de me lâcher, de m'amuser. C'est vraiment mon côté antillais.

Tu n'as pas peur d'être accusé d'appropriation culturelle?

Non, parce que c'est un clin d'oeil. C'est le seul zouk que je vais faire dans ma vie. D'un autre côté, il n'y a plus de limites aujourd'hui. Il n'y a pas vraiment de zouk québécois, je suis un des rares à l'avoir fait. L'été dernier, je jouais dans les festivals, il y a des Antillais qui sont venus me voir et qui ont vraiment tripé sur ma toune. Je pense que c'est le fun de toucher tout le monde - ça m'a même permis de jouer dans les radios antillaises, par exemple à NRJ Antilles, qui est une grosse radio commerciale là-bas. C'est vraiment plaisant.

Tu as donné des spectacles avec Marco Calliari, tu vas partir en tournée avec Yves Lambert. Tu n'as pas peur d'abolir les frontières entre les genres?

Non. Des fois, c'est bête à dire, mais ce sont les mariages qu'on attend le moins qui marchent. Les diffuseurs et les gens apprécient beaucoup ces plateaux doubles. C'est estival et festif. Pour l'instant, c'est un spectacle exclusif pour les festivals d'été.

Quelle vie souhaites-tu à ce disque?

J'en suis vraiment fier. Je lui souhaite de vivre toune par toune, que chacun y trouve son coup de coeur.

Tu es là pour rester?

Oui. C'est une passion, je m'amuse, je suis heureux de ce que je fais, de ce que j'ai déjà accompli. L'important, c'est de toucher à tout et de s'épanouir.

Chanson. Fun noir. Jérôme Charlebois. Les Productions Garou.

Image fournie par les Productions Garou

Fun noir, de Jérôme Charlebois