Du piano, un quatuor à cordes, une chanson en français, et son nom qui figure seul, sans celui de son band, sur la pochette de son quatrième disque intitulé The Beauty We've Found: Pascale Picard arrive cet automne avec une nouvelle couleur beaucoup moins rock qui lui va très bien.

Nous avions rendez-vous mercredi matin dans le bar montréalais où avait lieu son lancement le soir même. Vêtue d'une jolie blouse fleurie, Pascale Picard nous attend, toute fébrile: elle n'a dormi que quelques heures la nuit précédente, de peur de rater une entrevue matinale.

«Mais je suis habituée de ne pas dormir beaucoup, j'ai une petite fille de 18 mois», dit-elle, en refusant le café qui lui est offert. «Ce ne sera pas nécessaire, je crois!» Bref, Pascale Picard n'a rien perdu de son énergie attachante, même si The Beauty We've Found est un disque plus calme et posé, et qu'elle semble avoir gagné en maturité.

«C'est vrai que je suis plus groundée, admet-elle lorsqu'on lui pose la question. Mais il faut dire que j'avais 23-24 ans quand mon premier album est sorti, et c'était des chansons que j'avais écrites entre 18 et 22 ans. Mais les années ont passé, j'ai 36 ans, et avec l'expérience et la naissance de ma fille, j'ai l'impression, au quatrième album, de ne plus me sentir imposteur. Je me sens à ma place, je me sens bien.»

Assez pour faire un disque plus mélodique. Assez pour avoir le courage de demander au multi-instrumentiste Antoine Gratton - «un petit génie» - de réaliser et d'arranger l'album qu'elle avait en tête. Assez pour monter au front seule, sans le Pascale Picard Band.

En solo

«Après la tournée All Things Pass, mon prédécent disque, j'ai commencé à donner des spectacles solo, explique-t-elle. Je devais en faire juste quelques-uns, finalement ça a duré plus d'un an et demi... J'ai aimé la légèreté du solo et j'ai reconnecté au boutte.»

Elle ne regrette pas ses années de groupe rock - «C'était trippant, formateur, et ça m'a donné confiance» -, ne dit pas qu'elle n'y retournera jamais, mais cette liberté nouvelle lui a permis d'explorer d'autres avenues. «Je n'aurais pas pu faire cet album dans une structure drum-basse-guitare électrique.»

Dès la première chanson de The Beauty We've Found, le ton est en effet donné avec la très poignante Waltzing Disappointments

«Disons que c'est un statement. Ça dit: voilà où vous êtes, et voilà où on s'en va. Si ça ne vous plaît pas, peut-être que vous êtes mieux de peser sur stop», dit Pascale Picard en souriant.

Il serait dommage cependant de vous priver de ce disque senti et vraiment bien enrobé, où la voix particulière de la chanteuse est mise en valeur. «C'est ce que je voulais», dit Pascale Picard, qui estime que sa voix a mûri et bien vieilli.

«Je trouve que je crie beaucoup moins qu'avant. Mais quand tu ne chantes pas avec un gros drum dans le prélart, tu as plus de place pour les subtilités, pour t'écouter respirer dans le micro.» 

Au réalisateur et arrangeur Antoine Gratton, elle a d'ailleurs demandé de ménager les effets autour de ses compositions. «Même si c'est un virtuose et qu'il pourrait en faire beaucoup plus, il n'a rien dénaturé. Je voulais en mettre le moins possible.»

Cette orientation sera tangible en spectacle, puisqu'elle partira en tournée avec une violoncelliste et une pianiste. Elles porteront ensemble ses nouvelles chansons intenses et souvent douloureuses. «C'est un disque très dense», admet la chanteuse, qui semble pourtant dans une période joyeuse et lumineuse de sa vie.

«J'ai des amis qui m'ont écrit après avoir écouté le disque en me demandant si ça allait, rigole-t-elle. Mais je suis hypersensible et hyper empathique, et je parle plus des autres que de moi sur ce disque. Je suis passée par ces choses, je les ai vues autour de moi, et je suis capable d'en parler en pesant sur les bons pitons.»

En français

Pascale Picard réserve une belle surprise sur ce quatrième disque: une chanson en français, la première en carrière pour la chanteuse originaire de Québec. Est-ce que ça lui a donné envie d'en écrire d'autres? 

«Oui et non, car ç'a été douloureux et laborieux. Pour arriver à cette chanson, dont je suis très fière, j'en ai écrit beaucoup qui n'étaient pas bonnes. Veut veut pas, je n'ai pas la même expérience en français qu'en anglais. Mais j'aime chanter en français et je ne suis pas fermée à le faire encore», dit Pascale Picard, qui estime qu'elle était rendue à cette étape.

«J'ai commencé à écrire en français quand les gens ont arrêté de m'achaler avec ça... Je suis un peu tête de cochon.» 

Pascale Picard est consciente que les disques se vendent de moins en moins. Même si elle voit les bons côtés des nouveaux moyens de diffusion, qui permettent de rejoindre les gens de toutes sortes de manières.

«Ce n'est plus juste quatre personnes à Montréal qui décident de ce que tout le Québec écoute.» Mais si elle aime toujours écouter et faire des albums complets - «Je crois que j'ai 37 minutes de choses intéressantes à dire» -, c'est beaucoup la scène qui la stimule.

«J'aime le live, rencontrer du monde, jaser. Mais j'aime tout le cycle. Quand je finis une tournée, je n'en peux plus des hôtels et de manger au Tim Hortons, j'ai juste le goût d'être en pyjama et de regarder Netflix. Mais ça dure cinq minutes, parce que j'ai de la difficulté à rester en place - je sais, je le cache bien! -, alors après, je fais un album. Là, je travaille dessus depuis six mois et je veux repartir faire des shows. Ça me convient très bien comme métier.»

photo fournie par la production

The Beauty We've Found