En 1998, une jeune camerawoman de MusiquePlus passait de l'autre côté de l'objectif et du micro. Elle enregistrait l'album Flou, alors digne d'intérêt. On aimait ses harmonies, ses mélodies, ses textes, sa personnalité vocale... et on l'avait alors interviewée. Sept albums et... 20 ans plus tard, on accepte avec plaisir de refaire l'exercice à sa demande, question de souligner la sortie de Vingt, album commémoratif, il va sans dire.

Voici le bilan de deux décennies Durand, qui s'incarne ici dans un opus de 10 relectures de ses meilleurs crus, parmi lesquelles on découvre une inédite chantée de concert avec Alexandre Désilets.

«Il y a quelques couches de guitare et de clavier, convient notre interviewée, mais ça reste assez épuré de manière générale. Le but était de mettre la voix et le texte devant. Je voulais quelque chose de brut pour ces 20 ans, je voulais une toute petite équipe. J'ai joué pas mal tous les claviers et les guitares. Et c'est ma première réalisation.»

Le guitariste Joe Grass (Pat Watson, Élisapie, Klaus), le percussionniste Stéphane Bergeron (Karkwa) et le bassiste Marc-André Landry ont néanmoins collaboré à cet album intimiste, minimaliste.

Catherine Durand ne voulait pas que des reprises dans l'esprit de ses enregistrements antérieurs. «Ce sont des relectures. Si tu écoutes ce que je faisais en 1998, tu te trouves dans un autre monde! Je connaissais peu mon métier. Mes textes étaient moins aboutis, mais j'assume. Musicalement, je n'avais pas de formation académique, mais ça ne m'a pas empêchée d'avancer dans ce métier.»

Elle ose croire qu'être autodidacte l'a servie. «Je n'ai jamais pensé théorie en composant. J'avais cette candeur, cette liberté des musiciens qui ne se préoccupent pas absolument des lois musicales. Non, je ne crois pas que la formation académique est un frein. Mais elle peut parfois nuire à l'expression originale.»

Maître à bord

Les chansons de Catherine Durand ne passent plus à la radio depuis belle lurette, elle n'est pas une star, mais elle brille encore... elle est toujours là et nous aussi. Productrice de son oeuvre depuis 2004, elle est propriétaire de l'étiquette KatMusik depuis 2016. «Maintenant, soulève-t-elle, je vois chaque cent que je génère et qui se retrouve dans ma poche.

«Il y a encore un peu d'argent dans le monde de la musique, mais l'auteur-compositeur est payé le dernier.»

Quand tu ne veux pas t'organiser, tu te fais organiser... Autoproductrice aguerrie, l'artiste ne cache pas sa fierté d'avoir survécu aux conditions difficiles, très souvent ingrates, inhérentes à sa profession. «Je suis bien placée pour en parler!», s'exclame cette femme posée, au ton généralement doux et paisible, tout de même endurcie par les épreuves professionnelles.

«Durer et prendre de la maturité, c'est important, martèle Catherine Durand. Prenons Emmylou Harris, qui a sorti un de ses meilleurs albums à l'âge de 46 ans et qui fait encore d'excellentes chansons à 71! Je trouve ça beau, et je me souhaite être encore là à cet âge. Les carrières qui explosent à la téléréalité, c'est bien beau, mais durer, c'est autre chose. Je pense aux gens de ma génération: Dumas, Jorane, Marie-Jo Thério, Sylvie Paquette... On est une belle petite gang d'artistes québécois encore actifs. J'admire mes collègues qui continuent.»

À chaque album sa couleur

Lorsqu'elle fut découverte, Catherine Durand ne ratissait pas exactement les mêmes terres chansonnières qu'aujourd'hui. Elle nous en résume le parcours esthétique. «Ma musique était plus pop au départ et elle a pris la direction de l'americana lorsque j'ai travaillé avec le réalisateur Michel Pépin [un proche des McGarrigle], soit pour l'album Diaporama. Puis l'album Coeur migratoire a été très orchestral. Je m'étais beaucoup amusée avec les arrangements. Pour Les murs blanc du Nord, j'avais opté pour plus de claviers avec François Lafontaine, une touche un peu plus expérimentale, mais quand même assez pop. La pluie entre nous, que j'ai fait avec Emmanuel Éthier, avait un côté très moderne.»

En somme, elle estime s'être entourée de réalisateurs et d'artistes différents, qui ont des couleurs différentes à chaque album, «mais avec un son Catherine Durand». Et puisqu'il s'agit d'un bilan, on trouve des chansons de tous ses albums et un peu plus de Coeurs migratoires, «qui occupent une place particulière».

Dans ce même esprit d'épure, elle prévoit donner des concerts en tandem avec André Lavergne, fort d'une solide culture folk: «Je veux jouir de cette liberté que procure un duo.»

Inutile d'ajouter que ce minimalisme de l'album Vingt et de la tournée qui s'ensuivra sied bien à cette parolière de l'intimité qui tient toutefois à garder sa vie privée... privée. «Je ne suis pas du genre à me dévoiler dans les magazines. Je suis une artisane de la chanson, je veux qu'on écoute mes chansons. Pour le reste, trouvez quelqu'un d'autre! Déjà, je me dévoile dans mon écriture, les relations humaines la nourrissent. À ce titre, d'ailleurs, la musique est restée ma meilleure amie; elle était là quand j'allais bien ou quand je n'allais pas.»

Deux décennies Durand...

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Devant public, Catherine Durand lance l'album Vingt au Ministère, le 11 octobre prochain. Sa tournée est prévue en 2019.

CHANSON. VINGT. Catherine Durand. KatMusik.

Image fournie par KatMusik

Vingt, de Catherine Durand