Le rappeur OrelSan est une mégastar en France. Il a prouvé plus d'une fois qu'il avait bien du talent, or il se fait encore reprocher des propos jugés violents à l'égard des femmes qu'il a chantés il y a plus de 10 ans. L'artiste qui revendique la liberté de création sera en spectacle vendredi et samedi prochains à Montréal. Entrevue.

L'automne dernier, le rappeur OrelSan a offert son troisième album La fête est finie, auquel Stromae collabore. L'album est vite devenu populaire et a été certifié disque de diamant avec plus de 500 000 exemplaires écoulés. Le public n'est pas le seul à aimer cet opus, puisque le rappeur a également reçu les honneurs de l'industrie, en février dernier, en étant sacré aux Victoires de la musique comme Meilleur artiste masculin de l'année, album musiques urbaines et vidéo-clip.

Quelques jours après la cérémonie de remise de prix, une pétition adressée à la ministre de la Culture réclamant l'annulation des récompenses qu'il a reçues s'est mise à circuler: «Nous appelons tous les mouvements défendant les droits des femmes, et toutes les associations des droits de l'homme, à s'insurger contre le résultat de cette soirée, et demandons l'annulation pure et simple des prix reçus par cet individu qui devrait être tout simplement censuré», réclame la pétition.

Il est notamment question d'une chanson écrite en 2006, Saint-Valentin, dans laquelle OrelSan chante: «Mais ferme ta gueule ou tu vas t'faire Marie-Trintignier» et «J'vais la limer jusqu'à c'qu'elle soit couchée et qu'elle voit des clochettes».

Il faut dire qu'Aurélien Cotentin (de son vrai nom) a été poursuivi pour «provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence» contre les femmes, entre autres pour cette chanson. En 2016, la cour d'appel de Versailles a laissé tomber les charges, invoquant notamment «la liberté d'expression».

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Est-ce qu'OrelSan en a marre de voir cette histoire refaire constamment surface et de traîner l'étiquette de «rappeur controversé»?

«C'est le même problème depuis le début, c'est un malentendu. Des fois, il y a des gens qui prennent des bouts de texte sans même aller regarder la source. Mais c'est quand même fini [la polémique]... même quand ça remonte un peu, ça ne va pas très loin», dit le rappeur dans la mi-trentaine, qui a toujours affirmé que les propos étaient tenus par un personnage fictif, «un gros nul».

«C'est dangereux, la censure ! Parce que si tu n'as plus le droit d'avoir des personnages mauvais et de parler des choses mauvaises, ça devient super dangereux.» 

«Je suis pour laisser les gens juger par eux-mêmes. Je suis pour ne rien interdire. Tu vas voir le spectacle, ensuite tu dis si tu as été outré ou si c'est nul et tu partages le mot. Mais je ne suis pas trop pour les procès ou les lois... Je veux dire, c'est bien de discuter des choses aussi. Tu as le droit de ne pas être d'accord et tu as le droit de dire que tu n'aimes pas mes chansons et de trouver ça de mauvais goût, mais tu ne peux pas l'interdire à des gens qui ont envie de les entendre. Là, c'est dangereux.»

Avec le temps et grâce à ses nouvelles propositions artistiques, il est devenu très populaire en Europe, et ce, autant chez les jeunes que les moins jeunes. «Quand on me dit: "Je t'écoute avec mon père", je me dis: putain, c'est trop bien, c'est trop un beau compliment. Parce qu'il y avait peu d'artistes francophones sur lesquels je pouvais être d'accord avec mes parents. Et le fait de se dire qu'ils écoutent ensemble ma musique dans la voiture et qu'ils en discutent, je suis content, quoi», dit le rappeur.

Comment c'est loin

Une des oeuvres qui lui ont permis de ratisser un public plus large est son film Comment c'est loin avec le rappeur Gringe, qui raconte leurs débuts dans le milieu du rap. C'est entre autres grâce à cette oeuvre que les gens ont mieux compris son univers et, du coup, ses chansons controversées.

«Le fait de voir ce que je racontais déjà dans mes premiers albums, mais de le voir sous une autre forme, je veux dire dans un film, de la comédie pure, je pense qu'il y a des gens qui sont mieux rentrés dans mon univers. Alors qu'en chanson, c'était trop codé pour qu'ils rentrent dedans», dit le Français de 36 ans, qui chante depuis qu'il a 15 ans.

La vedette conclut: «Il y a plein de gens qui se sont rendu compte que c'était presque que des blagues, alors qu'en musique, ils ne comprenaient pas la blague. Et donc, c'est vrai qu'il y a plein de gens qui se sont dit: "O.K., il n'est pas sérieux en fait"! Même si c'est toujours une fine ligne entre "Je suis sérieux" et "Je ne suis pas sérieux". C'est ça que j'aime bien.»

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OrelSan est en spectacle au MTelus vendredi et samedi, les 21 et 22 septembre.