Elle n'a jamais eu la langue dans sa poche. Ses missions sont multiples: rallier une communauté autour de son art, ouvrir un dialogue et inciter d'autres femmes à rapper. Associée autant au patrimoine kitsch et au rap qu'au féminisme, Donzelle lance un deuxième album de 10 chansons et 10 clips assorti d'un livre, intitulé Presse-jus.

Plus de 10 ans ont passé depuis la sortie de Parle parle, jase jase, le premier album de Donzelle. Un album où Donzelle parlait de sexualité sans détour, notamment sur son tube Libido macro. Les hommes rappeurs le faisaient, alors pourquoi pas les femmes aussi?

«C'était en 2008. J'ai fait des shows au Brésil, et l'album est même sorti au Japon», raconte-t-elle.

Entre-temps, Donzelle a eu une fille et a terminé sa maîtrise sur le patrimoine kitsch au Québec.

Aujourd'hui, Donzelle - née Roxanne Arsenault - travaille à la Galerie Clark et vaque à de nombreuses occupations. Or, elle a toujours su qu'elle allait remonter sur scène.

«La musique a toujours occupé une drôle de place dans ma vie. Une place importante... souligne-t-elle. J'ai été DJ, à CISM, et je suis toujours membre du conseil d'administration de Pop Montréal. Je veux faire partie de la scène musicale. En même temps, je ne sais même pas si je peux dire que je suis musicienne. Ce que je fais est très axé sur la performance, sur le contenu, sur tout ce qui est autour...»

Limonade maison

Presse-jus, son deuxième album qui vient de sortir, s'avère un projet à la fois musical, visuel, charnel, féministe, DIY («do it yourself») et presque politique. «Je suis une intense dans la vie et je réfléchis peu à l'ampleur de mes projets», lance-t-elle.

Presse-jus, c'est donc 10 beatmakers (Pierre Crube de Numéro#, Fab de Random Recipe, Philippe Brault, LUST), 10 collaborateurs visuels (Nelly-Ève Rajotte, Zipertatou, Frances Adair McKenzie), sans compter la troupe féminine de danse de Donzelle et des invités (le Brésilien d'origine Nego Mozambique et la MC afro-américaine Miss Eaves).

Presse-jus se veut aussi un clin d'oeil à Lemonade de Beyoncé, tout en étant inspiré des albums visuels Goo et Dirty de Sonic Youth. Enfin, son mixage est signé Christophe Lamarche-Ledoux (Chocolat, Organ Mood).

Rallier les siens

Vous l'aurez compris par ses nombreux collaborateurs: l'un des mantras de Donzelle est de «rallier une communauté».

Avec le débat sur la parité et l'ascension (enfin!) des femmes dans le rap (bonjour Cardi B), disons que les astres sont bien alignés pour Donzelle. «Je ne suis pas une fille stratégique... mais c'est certain que le timing est intéressant.»

Or, il faut une «multiplicité des voix et des positions féministes», plaide Donzelle, qui chante en français, en anglais et en portugais.

«Les codes de Nicki Minaj et Cardi B sont différents des codes de Janelle Monáe, Peaches ou M.I.A. Moi, j'ai ma réalité de fille de Saint-Jean-sur-Richelieu d'une mère immigrante portugaise et d'un père québécois qui s'appelle Roch.»

Donzelle cite la chanson I'm Every Woman de Chaka Khan. Il y a plusieurs femmes en elle. «Je suis autant la romantique que l'activiste.»

Féminismes multiples

Il y a tant d'aspects féministes mis de l'avant dans la démarche de Donzelle, détaille la principale intéressée. «L'empowerment sur le plan de son corps, de la sexualité... Être mère, mais aussi être une personne sexuelle et bonne dans ce qu'on fait. L'idée de la communauté, du sisterhood...»

«Le tout avec autodérision et une ambiance party», ajoute-t-elle.

Véhiculer l'image d'une femme libérée et à l'aise dans son corps n'est pas aussi facile que cela en a l'air. Pour Donzelle, c'est plutôt une mission...

«... qui nécessite du courage?

- Mets-en! s'exclame Donzelle. J'ai des complexes comme n'importe qui. Je n'aime pas cela, me voir. Parfois, je me demande si je suis intéressante. [...] Mais je prends au sérieux ce que je fais et je considère que j'ai une responsabilité envers mes collaborateurs.»

«Je le dois à plein de monde et à ma fille, de faire mon projet comme du monde. D'être sur scène à mon âge en petite culotte avec ma fille pas loin, c'est super important pour moi. Comme mère, je veux montrer à ma fille que c'est cool qu'elle soit ce qu'elle est.»

«Je ne suis pas une chanteuse professionnelle, et cela rend le projet accessible et démocratique, dit Donzelle. Je ne suis pas la meilleure et la plus talentueuse des rappeuses. Tant mieux si des filles me voient et se disent: "Bien moi aussi, je suis capable." C'est cette idée de chaîne de transmission.»

L'autre visage de la maternité

La fille de 8 ans de Donzelle et ses amies figurent dans le clip de Blame It on the Baby. Le texte? «Tout change à cause du bébé, mais tout reste pareil», résume Donzelle.

«Toutes les femmes qui ont des enfants finissent par faire une chanson sur la maternité», souligne-t-elle.

Or, «comment parler de la maternité sans être cheesy»?

La fille de Donzelle figure aussi dans le clip à venir de la chanson Multitask, qui traite de masturbation, et dont Stéphane Lafleur (Avec pas d'casque) signe la musique électro.

«Est-ce que je peux mettre ma fille dans un clip avec autant de contenu sexuel?»

Donzelle s'est posé la question et elle en a discuté avec son enfant. «Elle grandit dans un cadre féministe et je ne sais pas quel impact cela aura sur elle. Je veux qu'elle sache que je veux défaire des stéréotypes, qu'il y a place à l'erreur et qu'il y aura toujours place à la discussion.»

Il arrive à Donzelle (et à son chum) de se demander pourquoi elle fait tout cela. Or, elle a souvent réponse à sa question. «Combien de fois on m'a dit: "Merci de faire ce que tu fais."»

Oui, merci.

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ÉLECTRO-RAP. Presse-jus. Donzelle. Label étiquette.

Image fournie par Label étiquette

Presse-jus, de Donzelle