Norvégienne transplantée en Suède depuis 18 ans, Ane Brun est l'une des artistes indie pop les plus prisées d'Europe. Depuis 2003, ses chansons indie folk orchestrées avec un goût certain ont progressivement irradié sur la planète indie. En 2010, ses premières parties de la tournée symphonique de Peter Gabriel (New Blood Tour) n'ont certes pas nui à son ascension et à son rayonnement.

D'où son invitation à la Maison symphonique pour un spectacle-clé du Printemps nordique.

Aujourd'hui âgée de 42 ans, Ane Brun compte huit albums studio et fait preuve d'une pérennité exceptionnelle dans le contexte de la culture pop, éphémère par définition. Jointe en Europe au début de la semaine, elle se présente comme une force tranquille, humble, sans prétention, on ne peut plus abordable malgré ses succès planétaires et le raffinement certain de son approche.

«Je ne cesse d'avancer, lentement... J'ose espérer sûrement! La clé, je crois, se trouve dans le travail constant, même si laborieux parfois. Lorsqu'on ne cesse de travailler, l'inspiration finit immanquablement par se trouver au rendez-vous et l'intuition s'affine.»

Entre simplicité et expérimentation

Qui plus est, elle voit dans le maintien de ses propres sources un fondement essentiel à son édifice créateur.

«J'essaie toujours de construire autour de ce que j'ai mis au point à mes débuts (avant d'enregistrer), c'est-à-dire une forme très simple, très folk, très guitare-voix. Après quoi j'ai tenté peu à peu de créer des environnements plus aventureux, mais il m'arrive régulièrement de retourner à ces formes originelles. En fait, j'aime toujours emprunter ces deux sentiers: celui de la simplicité et celui de l'expérimentation.»

Autre gage de son succès, rester à l'écart des modes passagères.

«Autant que possible, j'évite de m'adapter aux tendances de l'heure ou de m'y confondre. Il m'importe de rester moi-même dans un processus évolutif. En d'autres termes, ce qui peut paraître audacieux dans ma quête ne doit jamais entrer en contradiction avec mes chansons les plus dénudées.»

Cela dit, Ane Brun soutient n'avoir jamais eu de mal à défendre ses projets plus orchestrés ou plus produits.

«Il m'importe de conserver une indépendance d'esprit et surtout de ne pas me contraindre à combler les attentes de quiconque. J'essaie de toujours ajouter de nouveaux ingrédients, d'explorer et d'expérimenter, mais de manière intuitive tout en restant moi-même.»

Plus précisément, Ane Brun s'est progressivement dirigée vers le folk de chambre, vers l'usage de l'électronique, et donc vers une lutherie hybride au service de ses textes, harmonies et mélodies.

«J'aime le mélange de l'acoustique, de l'électrique et d'instruments plus récents. La programmation, la musique électronique, les collaborations orchestrales me motivent au plus haut point, j'aimerais d'ailleurs développer mon propre travail d'arrangeuse. J'aimerais, par exemple, travailler avec un orchestre symphonique, en fait, maintenir le cap sur les approches simples et les approches plus orchestrées.»

Avoir «grandi dans le jazz» est-il un avantage en ce sens?

«J'imagine que oui. Ma mère est une pianiste et chanteuse très portée sur ce style. Elle m'a traînée à tant de concerts de jazz, tout au long de mon enfance et de mon adolescence. Je ne pense pas que mes choix harmoniques soient jazz pour autant, peu m'importe, mais je crois que mon phrasé est influencé par le chant de type jazz.»

Collaborateurs hors pair

Autre gage de succès pour Ane Brun, elle travaille avec d'excellents réalisateurs et arrangeurs depuis ses débuts discographiques - Kim Nelson, Katharina Nuttall, Cécile Grudet, Valgeir Sigurðsson, Nico Muhly, Tobias Fröberg. Elle peut aussi compter sur des musiciens scandinaves de haute volée, tant sur scène qu'en studio - sa formation se compose de sept musiciens l'incluant, dont l'excellent bassiste Dan Berglund, membre d'EST, trio du regretté pianiste Esbjörn Svensson.

«Stockholm est une excellente ville pour exercer les métiers de la musique, comme en Suède et en Norvège. Les conditions socio-économiques y sont propices, le soutien étatique aux artistes demeure considérable. Ce contexte aide certainement à l'émergence de plusieurs artistes scandinaves. Ils peuvent mieux résister à la tentation du compromis.»

Peu encline à écrire en norvégien ou en suédois, elle s'exprime essentiellement en anglais.

«Quand j'ai commencé à écrire des chansons, je n'ai pas intellectualisé mon choix. Tout simplement, j'ai grandi en écoutant surtout des chansons anglaises, comme tous les jeunes le font en Occident. La chanson anglophone fait aussi partie de ma culture comme elle fait partie de la vôtre. Enfin... honnêtement, je n'ai jamais poussé très loin ce questionnement, mais je manifeste aussi une curiosité pour d'autres langues et reste ouverte à écrire en norvégien.»

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À la Maison symphonique, ce soir, à 20 h.

Ane Brun, voix et guitare, se produit avec Martin Hederos, claviers, Dan Berglund, basse, Josefin Runsteen, percussions et violon, Johan Lindstrom, guitare, Ola Hultgren, batterie, Andreas Werliin, batterie.