«J'aime bien me mettre en boîte», confie Salvatore Adamo qui sort vendredi son 25e album, l'élégant Si vous saviez... dans lequel le chanteur à l'éternel sourire et aux 100 millions de disques vendus, tombe le masque et revendique enfin son «espièglerie» à 74 ans.

Cet album balaye les «a priori» sur vous...

R: «C'est exactement ça. Pourtant, je suis sincèrement heureux de ce qui m'arrive. Cette image de chanteur lisse, aimable me convient parfaitement. Mais elle est incomplète.»

On découvre votre sens de l'humour...

R: «J'aime bien me mettre en boîte. Depuis mon enfance j'ai une espièglerie en moi. J'ai quand même chanté Les filles du bord de mer ou Le barbu sans barbe. J'y manie un humour surréaliste, disons belgo-sicilien.»

Qu'avez-vous de belge et de sicilien?

R: «De belge, sans aucun doute le sens de la dérision. De sicilien, je parle avec les mains. Et j'ai des principes. Une certaine réserve, le fait de ne pas vouloir déplacer les meubles là où on vous a invité.»

Et de français?

R: «L'amour de la langue.»

Vous apparaissez comme un dandy amusé sur la pochette du disque...

R: «J'aime ne pas me prendre au sérieux. On ne les a pas retenues, mais pour le livret on a fait des photos où je pose devant des croquis de moi en Motorhead, en mafieux, etc., réalisés par le dessinateur Philippe De Kemmeter.»

Cela vous affecte-t-il de n'être connu que pour vos chansons lisses?

R: «Comment le pourrais-je? J'ai ce privilège de posséder des titres qu'on chante encore après 50 ans. Je suis aujourd'hui capable plus qu'avant d'être au premier rang de mon spectacle et de m'observer. Je m'accepte avec cette image de gentil et de chanteur lisse. Finalement, la seule chanson concernée - je ne dis jamais engagée - à être sortie du lot, c'est Inch'Allah

Dans les années 60, vous êtes à la marge des yéyés...

R: «Oui. J'avais donné un enregistrement guitare-voix à Oscar Saintal, mon arrangeur. J'avais 17 ans et je m'attendais à avoir le même son que les yéyés que j'écoutais, Gene Vincent, les Everly Brothers... Mais il y avait ces cordes, qui ont finalement été le lien entre les deux générations. L'ancienne n'était pas trop dépaysée et les jeunes avaient quelques éléments rythmiques. C'est Oscar qui m'a trouvé ma place.»

Vous n'auriez pas voulu faire un disque de rock'n roll?

R: «J'en ai fait un en anglais qui n'est pas sorti, The old sad story. Je m'en donne à coeur joie. En français, j'ai chanté Eddy Cochran, Buddy Holly et Brassens, Si tu retournes chez ta mère. Mais c'est en mode clin d'oeil.»

Vous avez débuté à 15 ans, comment l'acceptait votre père?

R: «Il comprenait difficilement. Mais Paul Anka a été un alibi pour moi. Lui aussi avait commencé jeune et était vedette à 17 ans. Et mon alibi pour la voix, c'était Aznavour. Mon père, amateur de bel canto, aimait aussi Aznavour. Lorsqu'il a entendu ma voix cassée, c'est passé.»

Rêviez-vous de devenir chanteur?

R: «Non, je voulais être footballeur. Il y a une superstition qui s'est emparée de moi, où j'ai l'impression que ce dont je rêve n'arrive jamais. J'ai beaucoup rêvé d'être footballeur, mais jamais d'être chanteur!»

Vous figurez sur la photo du siècle en 1966. Apparteniez-vous à un clan?

R: «Le critère de sélection, c'était l'importance qu'on revêtait. J'avais gagné le référendum de Salut les Copains. J'ai fréquenté Johnny, Dutronc et les autres pendant deux ans. Et c'est tout. Ce n'était pas spontané. Les vraies amitiés viennent autrement. L'immense cadeau que m'a fait la vie, c'est que je faisais partie des amis de Brassens.»

Quel regard portez-vous sur votre parcours?

R: «Ce qui m'est arrivé est au-delà de mes rêves. Il faut imaginer une arrivée à Santiago du Chili en 1967 avec 50 000 personnes sur le tarmac, qui ont ensuite soulevé ma voiture! J'ai vécu ces choses-là, personne ne peut me les enlever. Parfois je repense à une chose qui m'est arrivée. Alors je prends une bouffée d'air et je repars vers l'avant.»