Welcome bonheur, leur cinquième album en 17 ans, arrive après quatre ans de silence. Quatre années où les membres de Kaïn ont continué à faire des spectacles, mais ont aussi pris le temps de se ressourcer. Discussion à bâtons rompus avec le chanteur et principal parolier du groupe, Steve Veilleux, et le bassiste Éric Maheu.

Pourquoi Welcome bonheur?

«Ça allait de soi, dit Steve Veilleux. On s'est installés enfin, on aspire à plus de calme et de sérénité. On a apporté cet équilibre sur le disque et dans nos familles. On touche enfin à ce bonheur dans toute sa simplicité.» Quatre ans séparent leur précédent album de Welcome bonheur, ce qui leur a permis d'essayer différents projets chacun de leur côté. Mais c'est le disque que Steve Veilleux a consacré aux poèmes de Gérald Godin en 2016 qui a eu le plus d'influence sur eux. «C'est un projet qui nous a allumés, confirme Éric Maheu. Ça nous a donné de l'ouverture d'esprit et une nouvelle approche pour les textes.» Steve Veilleux opine. «Tu ne rentres pas en studio si tu n'as pas quelque chose de nouveau à dire, si tu ne penses pas être meilleur. Ce détour qui n'en est pas un, il fallait le faire, parce que plusieurs chansons de cet album n'auraient pas pu être écrites.»

Pourquoi vieillir?

On le sent dans les nouvelles chansons de Kaïn : la vie rock and roll, qui fut trépidante et joyeuse, est terminée pour eux. Vieillir, dit Éric Maheu, leur a permis d'atteindre une certaine sagesse, et de prendre du recul. «On n'a jamais été aussi en forme», dit le bassiste, qui ne regrette pas ses années de party, mais qui est content d'être passé à une autre étape. «J'ai eu du fun noir, mais j'en ai encore! Plus que jamais, même. Ces gestions émotionnelles de lendemain de veille, ça complique la vie.» «On l'a fait naïvement, comme on rêvait de le faire, sans demi-mesure, ajoute Steve Veilleux. À l'époque, tu nous aurais parlé d'équilibre dans une entrevue et on serait partis! Ma phrase typique, c'était: le juste milieu me lève le coeur. Si je trouve ça drôle, c'est parce qu'on a réussi à tourner la page.»

Pourquoi être dans un groupe?

«Il y a une force dans le groupe, avance Steve Veilleux. Les victoires sont multipliées par quatre, les défaites, absorbées et réparties.» Éric Maheu est d'accord. «C'est drette ce que j'allais dire. On prend et on donne des coups ensemble, on fait des mauvais coups ensemble. Et puis, sans sortir la théorie des kids dans le carré de sable...» Steve: «Ça y est, tu l'as dit! » (rires). Éric Maheu continue. «Mais tu sais, j'ai essayé de faire des affaires en solo. Je joue avec les trois quarts du bottin de l'Union, mais je reviens toujours à Kaïn, ma famille. C'est comme si j'allais dans un orphelinat chaque fois que je joue avec quelqu'un d'autre...»

Pourquoi faire encore des disques?

«Nous, ce qu'on aime, c'est faire des shows, dit Steve Veilleux. C'est pour ça qu'on fait une tournée de lancement avant même de partir en tournée! Mais il me semble que ce serait effronté de ne pas avoir un nouvel album avec nous. Ce serait paresseux et égoïste de ne pas vouloir se jeter dans des zones dangereuses de création, de proposer juste une ou deux chansons et de se servir de ça comme prétexte pour faire une nouvelle tournée. Ce serait gênant.»

Pourquoi vos chansons fonctionnent-elles plus en région qu'en ville?

«C'est souvent une question de perception médiatique», dit Steve Veilleux, qui affirme que Kaïn remplit ses salles autant à Montréal qu'ailleurs au Québec. «Mais c'est vrai que la portée rassembleuse de notre musique nous permet de jouer partout, tout le temps. On est conscients de ça, on ne le nie pas. Les gens de toutes ces belles régions s'associent et s'identifient à nous.» C'est clair, Kaïn n'attend ni après les radios ni après les critiques. «On a une belle place dans le portrait musical québécois, dit Steve Veilleux. La place qu'on s'est travaillée, parce qu'on n'a certainement rien gagné avec Kaïn, on est fiers de l'avoir et les gens nous le rendent bien.»

Pourquoi un nouveau Kaïn?

Si Welcome bonheur a été enregistré par le noyau original du groupe, formé de Steve Veilleux, Éric Maheu, Yanick Blanchette (batterie) et Patrick Lemieux (guitare), ce dernier a quitté le bateau à la fin du processus. «L'enregistrement d'un album, c'est un gros partage d'intimité, dit Steve Veilleux. En voyant la tournée qui s'en venait, Pat a eu moins le goût de s'impliquer. Ç'a été le bout de la route.» Les trois membres restants ont vite pensé à John-Anthony Gagnon-Robinette, un jeune guitariste de 26 ans, pour le remplacer. «J'aime son énergie, sa vibe, sa transparence, dit Éric Maheu. Il a du vécu et, même s'il est plus jeune, il nous rattrape en âge. C'est un gars d'équipe, il est toujours on, il a de l'âme et son rire est tout à fait contagieux.»