Bruce Cockburn a longtemps été un habitué des salles montréalaises. On allait au Spectrum entendre ses chansons qui mêlaient habilement l'amour, le propos social et la spiritualité sur des airs folk, rock et même jazz. Au début des années 2000, il ne fallait pas s'étonner de le croiser sur le Plateau Mont-Royal, où il a vécu pendant quatre ans.

L'artiste canadien s'est installé depuis huit ans à San Francisco, il a renoué avec les joies de la paternité, mais il a gardé de bonnes habitudes, comme celle de traduire en français dans le livret de son nouvel album les textes de toutes ses chansons. On peut même entendre, sur le très réussi Bone on Bone, une chanson dans la langue de Vigneault intitulée Mon chemin.

«Pour celle-là, j'ai triché un peu, nous dit-il en riant depuis sa demeure californienne. J'ai découvert ce poème de Guillaume Apollinaire [que Cockburn remercie dans le livret de son disque] qui disait: "Qui sait où serait mon chemin" et je me suis dit que je pourrais donner à cette phrase une autre dimension: que serait-il arrivé si j'avais pris ce genre de chemin ou cet autre chemin?»

Le propos de Mon chemin n'est pas très hop-la-vie, reconnaît Cockburn, mais c'est précisément là qu'intervient la magie de la chanson.

«C'est un peu sombre, mais j'aime que la musique ne le soit pas, grâce notamment au charango. J'aime ce contraste; j'aime que la musique soit joyeuse. Il y a des endroits dans le monde où ça va plus mal qu'ici, et j'en ai visité quelques-uns.»

«Le monde n'a pas assez changé»

En effet, le jeune Cockburn a beaucoup voyagé, notamment en Amérique centrale, qui lui a inspiré l'une de ses chansons les plus célèbres, If I Had a Rocket Launcher, dont le ton colérique tranchait avec la plupart de ses compositions.

C'est le même artiste engagé qui, en juin 1988, participait au vieux Forum à un concert aux côtés de Crosby, Stills and Nash, de Michel Rivard et du groupe russe Aquarium dans le cadre d'un congrès international de médecins militant pour la prévention de la guerre nucléaire, à la veille d'un sommet Reagan-Gorbatchev.

Le Rideau de fer est tombé peu après, mais, à la lumière des récents échanges belliqueux entre la Corée du Nord et les États-Unis, Cockburn n'a-t-il pas l'impression que l'histoire se répète un peu?

«Le monde n'a pas assez changé, en tout cas. Il est toujours miné par l'appât du gain et l'ambition», répond-il du tac au tac.

Dans le livret de son album, Cockburn remercie les États-Unis de l'avoir aussi chaleureusement accueilli, mais il trouve la présence du président Donald Trump très inquiétante.

«Les États-Unis sont un pays bipolaire, ajoute-t-il. Le Canada a ses problèmes lui aussi, évidemment, mais ça ne se compare pas. Par contre, j'ai vécu à Boston quand j'étudiais à Berklee dans les années 60, et c'était fou également. N'empêche, aux États-Unis, on a l'habileté de faire des choses.»

Une semaine occupée

Quatre jours après la parution de Bone on Bone, son premier album en six ans, Cockburn renouera avec ses fans montréalais au Club Soda, le 19 septembre. Puis le 23, à Toronto, il sera intronisé au Panthéon des auteurs-compositeurs canadiens, au même titre que Beau Dommage, Stéphane Venne et le vénérable Neil Young.

Cockburn est flatté de se retrouver en aussi bonne compagnie, mais la perspective de devoir faire un discours ne lui sourit pas nécessairement.

«Quand j'ai été intronisé au Panthéon de la musique canadienne, j'ai dû faire un discours et j'ai souffert de violents maux de tête», rappelle-t-il en riant.

Parions qu'il sera plus à l'aise au Club Soda.

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Au Club Soda, le 19 septembre; à l'Impérial Bell (Québec), le 20 septembre; au Théâtre Granada (Sherbrooke), le 21 septembre; au Centre national des arts (Ottawa), le 22 septembre; et en tournée nord-américaine jusqu'en 2017.

FOLK-ROCK. Bone on Bone. Bruce Cockburn. True North Records. Sortie: 15 septembre.

Image fournie par True North Records

Bone on Bone, de Bruce Cockburn