Sous étiquette Arts & Crafts, Timber Timbre lance un sixième opus avant de reprendre la route pour plusieurs mois : Sincerely, Future Pollution se veut un assemblage de métaphores sur l'époque actuelle, sur ses pratiques et relations éphémères, ou même sur ce que la science-fiction pourrait jadis nous en avoir dit.

Deux changements importants ont marqué le groupe montréalais à travers ce processus créatif, notent ses membres attablés dans un café de la Petite Italie : le sentiment partagé d'un vrai travail de groupe, ainsi que l'introduction de synthés analogiques et d'outils numériques.

« L'engagement de chacun n'a jamais été aussi important, nous formons un véritable groupe », estime Taylor Kirk, auteur, compositeur, chanteur et toujours artiste central de Timber Timbre. Connue depuis 2006, cette appellation fut longtemps son projet solo autour duquel des collaborateurs se sont joints progressivement - surtout à partir du troisième album (sans titre).

« J'avais une idée claire, mes intentions étaient précises pour toutes les parties de chaque chanson de chaque album. Avec Hot Dreams, le précédent, j'ai eu le sentiment d'avoir atteint quelque chose. »

On en déduit qu'il était hors de question pour lui de s'immobiliser devant ce « quelque chose ».

« Cette fois, je ne savais pas exactement où je m'en allais. J'avais une idée vague des mélodies, des accords et des mots mais du reste, non... Nous avons alors précisé ensemble la direction de l'affaire, notamment en choisissant une palette d'instruments qui n'est plus la même qu'auparavant», précise Taylor Kirk.

Timber Timbre ne pouvant exister sans Taylor Kirk, la méthode de travail n'est pas devenue tout à fait démocratique, mais...

« Taylor créait les squelettes des chansons et nous envoyait les premières maquettes de travail, sur lesquelles Simon [Trottier] et moi-même pouvions ensuite travailler. Simon proposait aussi des bases de compositions à partir desquelles tout pouvait se produire en studio. Nous étions plus impliqués dans l'habillage de ces embryons de chansons, dans les arrangements et la réalisation », explique Mathieu Charbonneau, claviériste et multi-instrumentiste.

De la musique dansante?

Jusqu'à l'opus Hot Dreams, Timber Timbre s'est inscrit dans une démarche fondée à l'origine sur le blues et le folk. Les sonorités ont ensuite évolué vers des approches plus aériennes, oniriques, sorte de folk lounge parfois étrange, néanmoins remarquable et attractif parce que peu convenu dans le vaste corpus americana.

« Je travaillais alors avec des instruments acoustiques ou électriques tels guitare, violon, clavecin, thérémine, banjo... J'avais tendance à fétichiser ce type d'instrumentation. Je n'étais pas très curieux de ces sons électroniques que je trouvais plus froids. Puis l'idée que je me faisais de la musique cool est devenue moins stricte, moins étroite. J'ai même envisagé la création de musique qu'on pourrait danser et... cela ne s'est pas produit », admet-il en déclenchant l'hilarité générale.

« Cette fois, donc, nous avons ajouté des couches électroniques, analogiques ou numériques. Autre aspect important, il y a plus de musique instrumentale dans cet album, même dans les chansons. C'est plus ambitieux à ce titre », précise à son tour le guitariste et multi-instrumentiste Simon Trottier, qui fait aussi équipe avec Mathieu Charbonneau dans le projet Last Exit. On sait que ce dernier officie également au sein du groupe francophone Avec pas d'Casque dont il est membre régulier et avec lequel il tourne actuellement. Depuis Hot Dreams, donc, le personnel s'est stabilisé autour de ces trois musiciens. Le batteur Olivier Fairfield, qui était de la tournée précédente, a fait place à Mark Wheaton pour celle qui démarre.

Chansons commentées

Suggérons à Taylor Kirk de décrire des chansons représentatives de ce sixième opus. Il choisit d'abord Moment : 

« Elle devait être la chanson-titre de l'album. Même si la progression d'accords avait été pensée il y a longtemps, cette chanson nous sort de notre ancien son. Pour les mots, Moment se fonde sur l'idée que les choses deviennent de plus en plus éphémères dans la civilisation. Ce que nous consommons, ce que nous gaspillons, ceux et celles que nous aimons, rien ne dure. »

Le chanteur enchaîne sur Sincerely, Future Pollution : 

« C'est une de mes chansons préférées, de surcroît l'une des plus collaboratives de l'album. Nous avons tous contribué à habiller une ligne de basse un peu folle, nous avons vraiment accompli quelque chose en reprenant cette ligne encore et encore, à travers de nombreux jams. S'il fallait refaire cet album, je commencerais par celle-ci. »

Pourquoi donc ?

« Plusieurs chansons, répond le chanteur, auraient pu incarner notre travail, mais celle-ci coïncide avec la dernière élection présidentielle américaine. Les références à ce contexte politique, aussi petites soient-elles dans cet album, sont alors devenus plus apparentes, et plus pertinentes. »

Dans la même optique, Taylor Kirk aime cette idée qu'une civilisation d'une autre époque nous envoie un message, un avertissement.

« D'autres chansons de cet album peuvent évoquer l'innovation et l'avenir tel qu'imaginé il y a 30 ou 40 ans. Floating Cathedral et Western Questions abordent la fragilité des zones urbaines ou celle des migrations humaines, ou encore décrivent des gens qui vivent de plus en plus haut dans le ciel et se détachent de la réalité. Dépeints par la science-fiction d'hier, ces portraits me semblent ceux d'aujourd'hui. Nous sommes dans cet avenir. »

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Timber Timbre se produira à l'Olympia de Montréal, le 2 juin prochain.

INDIE ROCK. Sincerely, Future Pollution. Timber Timbre. Arts & Crafts.

Photo Caroline Desilets, fournie par l’artiste