Dans son nouvel album, Kid Koala s'aventure sur le terrain de la musique ambiante. Plus encore, pour la première fois, le musicien et producteur montréalais propose de véritables chansons dont il a écrit la plupart des textes et il fait équipe avec une chanteuse, l'Islandaise Emilíana Torrini.

Contrairement à ses albums précédents, Music To Draw To: Satellite ne mise pas sur l'échantillonnage. Pourtant, même si c'est moins apparent, Kid Koala - Eric San pour les intimes - ne boude pas pour autant son outil de prédilection, les platines.

«Je m'en sers comme technique de production sur 80 % des pièces mais c'est très subtil. J'ai un peu peur parce que c'est différent de ce pour quoi on me connaît», dit en riant le jeune quadragénaire qui fait le tour de la planète depuis la fin de son adolescence.

C'est l'hiver montréalais qui lui a inspiré cet album planant. Un hiver qui, nous explique-t-il dans son studio-atelier de Rosemont, se prête mieux à la création de musique introspective sinon mélancolique: «L'été, pour la plupart des gens que je connais à Montréal, y compris les artistes, c'est la saison des frisbees, des beats et du scratching

Depuis 2009, c'est en hiver que Kid Koala, qui est également l'auteur de deux romans graphiques, propose ses concerts Music To Draw To pendant lesquels les spectateurs sont invités à dessiner au son de musiques propices à cette activité. Pour lui, le déclic s'est produit en 2001 quand il était en tournée avec Radiohead. De passage à New York, le bassiste Colin Greenwood lui a acheté l'album Lucky Cat, du duo électro britannique ISAN, qui est vite devenu son disque fétiche au son duquel il aime dessiner.

«J'ai environ 15 ou 20 albums du genre que je chéris vraiment parce que je peux les faire jouer en boucle et perdre complètement la notion de temps pour me concentrer entièrement sur mes dessins», dit-il.

Une grande rencontre

Satellite est donc le premier album de la série Music To Draw To dont Kid Koala, hiver oblige, a déjà presque terminé le deuxième chapitre.

C'est aussi pour le créateur de Rosemont le disque de sa rencontre avec Emilíana Torrini, qu'il vénère depuis près de 20 ans mais à laquelle il n'osait pas proposer une collaboration. L'occasion s'est présentée il y a quelques années quand le cinéaste canadien Jason Reitman lui a suggéré de poser une voix sur la pièce instrumentale Nightfall qu'il venait de composer pour son film Men, Women and Children. Kid Koala a tendu la perche à Torrini qui a accepté, comme elle a dit oui quand il l'a relancée plus tard pour collaborer à l'album Satellite.

Quand il l'a accueillie à l'aéroport en octobre 2015, Kid Koala s'attendait à ce qu'elle arrive avec des poèmes ou des bribes de textes qu'elle coucherait sur ses musiques. Or, Emilíana Torrini voulait d'abord faire connaissance avec son hôte et découvrir Montréal.

Puis un bon soir, au resto, elle lui a parlé d'un article qui l'avait marquée sur la mission Mars One dont l'équipage éventuel ne reviendrait jamais sur la Terre. Le lendemain matin, au réveil, pour la première fois de sa vie, Kid Koala avait en tête le texte d'une chanson, Adrift, qu'il a soumis à Torrini.

«J'étais vraiment nerveux mais elle l'a lu et m'a dit: "J'aime vraiment ça. Allons l'enregistrer tout de suite! " Dix minutes plus tard, elle chantait mes mots sur une mélodie.»

Satellite raconte donc l'histoire d'une jeune femme qui se porte volontaire pour une mission spatiale, laissant derrière elle son amoureux et un confort qui ne la satisfaisait plus. Les années passent et elle en vient à se demander, un peu tard toutefois, pourquoi diable elle s'est embarquée dans pareille aventure.

Des spectateurs DJ

Parce qu'il ne fait jamais rien comme les autres, Kid Koala a imaginé un nouveau type de spectacle interactif autour de ce nouvel album qu'il a testé au festival Luminato de Toronto, en juin dernier, et qu'il présentera au Centre Phi du 1er au 4 février. Un spectacle inusité dans lequel tous les spectateurs participent en direct à la création musicale à l'aide d'une platine ou de boutons à effets à l'une des 50 stations réparties dans la salle qui ont été conçues par Earthquake Devices.

À chacune des stations, une lumière s'allume dont la couleur correspond à l'un des six disques qu'il faut utiliser. Mais les spectateurs sont libres de choisir la vitesse à laquelle ils font tourner le disque, qu'ils peuvent scratcher ou tapoter.

«C'est la loi de la moyenne. Habituellement, la moitié est très timide et craint d'abîmer le disque tandis que l'autre moitié s'en donne à coeur joie comme des DJ, explique Kid Koala. [...] Dans la plupart des synthétiseurs, même les plus lourds, on compte trois oscillateurs, peut-être six. Nous, on en a 50!»

Quoi qu'on en pense, le résultat est étonnamment harmonieux et correspond assez justement à la musique qu'on entend sur l'album Satellite, affirme Kid Koala qui fait des beats et joue de tous les autres instruments avec son complice Félix Boisvert, le maestro de cet orchestre d'un soir.

Pendant ce temps, Karina Bleau, marionnettiste de talent, projette sur les écrans des éléments visuels qu'elle crée en direct à l'aide de produits ménagers.

«Pour nous aussi c'est une nouvelle expérience, ajoute Kid Koala. Même si la musique est très sérieuse et mélancolique, on va beaucoup rire en faisant ça.»

Son actualité

> L'album Music To Draw To: Satellite avec Emilíana Torrini est en vente depuis vendredi.

> Il se produira au Centre Phi du 1er au 4 février, ainsi qu'à Toronto, New York et Ottawa.

> Il présentera aussi jusqu'en 2018 le spectacle musical de marionnettes Nufonia Must Fall Live, qui revient du Chili.

> Un nouvel album avec le groupe Deltron 3030, auquel participera également le rappeur Dr. Octagon (Kool Keith), est en chantier.

> Il compose présentement les beats du jeu vidéo de breakdance Floor Kids.

> Il poursuit son travail, amorcé en 2003, sur un roman graphique axé sur la photo.