Alors qu'il s'inscrit dans les palmarès canadiens de fin d'année des critiques pour son album The Party, sorti en mai dernier, Andy Shauf se produit enfin à Montréal ce soir au National. Nous avons parlé à l'auteur-compositeur de la Saskatchewan nouvellement déménagé à Toronto dans un appartement où il a eu à peine le temps de mettre les pieds. Conversation avec un gars timide au riche imaginaire.

Originaire de Regina, Andy Shauf a joué de la batterie dans des groupes punk avant de faire son envol en solo. «Mais j'ai toujours écrit mes propre chansons», souligne-t-il.

En écoutant les pièces calmes de journée de pluie de son album The Party, on imagine mal Andy Shauf s'époumoner sur de la musique punk. On voit plutôt un adolescent carburer aux films des réalisateurs Wes Anderson (The Royal Tenenbaums) et Spike Jonze (Being John Malkovich) ainsi qu'aux bandes originales de compositeurs comme Jon Brion (Magnolia, Eternal Sunshine of the Spotless Mind).

Or, nous faisons fausse route. L'intérêt de Shauf pour le 7art est récent, nous dit-il.

Les chansons de Shauf sont contemplatives et cinématographiques, ou du moins à forte teneur narrative. Chaque pièce de The Party renvoie aux différents personnages qui se retrouvent dans une fête. «Quand j'écris, je crée des images et des portraits dans lesquels je me projette.»

La chanson The Magician décrit «le sentiment d'être au milieu de la vingtaine et de ne pas savoir ce que tu vas faire de ta vie. C'est une chanson sur l'incertitude», explique Sauf.

Quant à To You, elle décrit les moments alcoolisés où les grandes révélations ou déclarations d'amour sont trop faciles et «surviennent à un bien mauvais moment pour l'autre personne».

Alexandre All Alone, elle, dépeint les moments d'un party où quelqu'un cherche à fuir, notamment «pour fumer une cigarette en solo», illustre Andy Shauf. «Je voulais écrire une chanson où quelqu'un est témoin d'un décès.»

Socialiser en solitaire

L'idée conceptuelle de The Party est arrivée à mi-parcours, indique Andy Shauf. «J'ai constaté que tout tournait autour de l'idée de socialiser dans des réunions de groupe, explique-t-il. Les différents scénarios concordaient en ce sens, mais ce n'était pas prévu au départ.»

Quand Andy Shauf est invité dans des soirées où il ne connaît pas les autres invités, il préfère souvent ne pas y aller, dit-il en riant. «Je ne suis une personne très sociable.»

Sa timidité s'entend au bout du fil, mais elle s'estompe d'une question à l'autre...

La mélancolie de ses chansons vient peut-être de ses années à grandir en Saskatchewan et pas dans un grand centre urbain. «Je viens de déménager à Toronto, mais je n'ai pas vraiment été chez moi.»

Andy Shauf n'avait pas prévu que le succès de The Party l'amènerait à tourner autant et à figurer dans les palmarès canadiens de fin d'année, dont celui de la CBC.

En Europe, le musicien canadien a même assuré des premières partie pour le groupe folk-pop américain fort populaire The Lumineers. «C'était l'opportunité de jouer devant beaucoup de gens, mais comme c'est un groupe qui accumule les tubes radios, son public n'est pas nécessairement intéressé par les premières parties, surtout pour ma musique introspective. C'était un défi pour moi, mais une belle expérience.»

Franchir la trentaine dans ce contexte donne de la confiance à Andy Shauf. C'est l'aboutissement de longues années de travail depuis la fin de l'école secondaire. «Je sens que je peux enfin parler de la musique comme de mon travail. C'est sérieux...»

Le prochain album d'Andy Shauf sera encore plus conceptuel et défini que The Party, précise-t-il. Et il veut continuer d'en assurer l'enregistrement en solitaire en y jouant de tous les instruments. «C'est très important dans ma démarche.»

Il demande juste à avoir du temps et un coin qui peut lui servir de studio. Un souhait bien modeste et intègre, à son image. Et c'est tout à son honneur d'un point de vue artistique.

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Andy Shauf se produit au National ce soir.