Allumé, voire hyperactif, Émile Bilodeau parle vite. Il s'attire des comparaisons avec Philippe Brach et il admire Bernard Adamus. Il a le même imprésario que Coeur de pirate. À 20 ans, le jeune homme est l'un des nouveaux visages de l'automne. Entrevue avec l'auteur-compositeur-interprète pour la sortie de son premier album.

«J'ai 20 ans. J'habite à Longueuil... avec mes parents», lance Émile Bilodeau au début de l'entrevue.

L'étudiant en sciences humaines au cégep nous rencontre après un spectacle donné sur l'heure du midi à Saint-Jean-sur-Richelieu dans le cadre des Journées de la culture. «En fin de semaine, j'ai aussi un tournoi d'impro. J'essaie de prouver à mes proches que je suis responsable.»

Il parle vite, anticipe les questions en glissant des blagues. Émile Bilodeau n'est pas toujours facile à suivre, mais on ne peut manquer d'être amusé et captivé par le personnage.

«Rites de passage, cela veut dire beaucoup de choses pour moi. C'est un album pour que je puisse me payer un appart. C'est aussi un clin d'oeil à ce que j'ai appris dans mes cours d'anthropologie à l'école.»

Dans ses chansons, Émile Bilodeau ne parle pas que des filles. Sa chanson Passer à TV met en «corrélation» la phobie des exposés oraux et le désir d'avoir son heure de gloire à la télévision.

Émile Bilodeau désire incarner «la liberté de penser que l'on peut sticker sur le plan A». «Dans une société occidentale, un rite de passage est un char, un baccalauréat, explique-t-il. Ce sont deux choses que je n'ai pas, donc laissez-moi vous présenter cet album.»

Réflexion sociale et identitaire

Un album où il exagère en disant que «la société s'écroule», mais où il fait valoir avec sérieux qu'il est dommage de voir les stations de radio contourner le contenu francophone «avec des refrains en anglais».

Le tout avec une dose d'humour. «Les messages passent mieux avec un rire à la fin», dit-il.

Dédé Fortin est l'une de ses influences. «Pas seulement pour sa musique, mais pour ses idées. Qu'il faut être fier d'où on vient.»

Émile Bilodeau se dit souverainiste, ou du moins à forte sensibilité identitaire. Par hasard, il porte un t-shirt à l'effigie d'un patriote lors de notre entrevue. «Mon premier rêve était d'être politicien, souligne-t-il. J'avais interviewé Martine Ouellet [députée du Parti québécois] au secondaire et ç'a vraiment été une belle expérience. Avec le temps, j'ai compris que des artistes peuvent prendre part à la réflexion sociale. Je n'irais pas débattre à Tout le monde en parle, mais je peux être mature avec une certaine naïveté dans mes chansons.»

En d'autres mots, Émile Bilodeau donne dans le folk à textes avec sa forte couleur à lui. «Quand j'ai entendu Bernard Adamus arriver et chanter ce qui était avec sa voix à lui, ça m'a donné l'envie et les moyens de le faire. Sinon, j'aurais essayé d'être beau...»

Émile Bilodeau a couru les concours et remporté des prix aux Francouvertes, au Festival d'été de Québec et au Festival international de la chanson de Granby. «Comme auteur-compositeur, c'est un peu le seul moyen de se faire une place sans contacts et sans passer à la télé.»

Incarner ses 20 ans

Émile Bilodeau a visé haut, avec le soutien de ses parents. «Mon père a pris soin de moi. Il a été mon planificateur financier et il s'est occupé des trucs contractuels.»

Après plusieurs offres, Émile Bilodeau a confié sa gérance à Éli Bissonnette (qui s'occupe aussi de Coeur de pirate) et il a grossi les rangs de la maison Grosse Boîte.

«Quand j'ai vu ce qu'ils ont fait avec Béatrice Martin [Coeur de pirate], j'étais content de voir qu'ils peuvent travailler avec du monde plus jeune. C'était important pour mon père.»

Émile Bilodeau ne se doutait pas alors des occasions qui allaient s'offrir à lui, notamment en travaillant avec Philippe B pour la réalisation de son premier album. «Mon beau struggle, si tu permets l'expression, était de ne pas capoter quand Éli m'a dit: "Veux-tu travailler avec Philippe B ?" Je suis bien entouré, et c'est rassurant pour un jeune auteur-compositeur comme moi.»

Émile Bilodeau vante l'intelligence et la générosité de Philippe B, qui lui a donné des idées d'arrangements de cuivres. «Son contrat était de m'aider à trouver mon son. Je voulais qu'on respecte mon côté chansonnier, détaille-t-il. J'ai beaucoup appris. J'avais sous-estimé le travail d'équipe, du choix de la pochette à la setlist

En studio, Émile Bilodeau a eu la chance de côtoyer notamment le batteur Pierre Fortin (Galaxie, Gros Mené) et le bassiste Michel-Olivier Gasse (Saratoga, Vincent Vallières).

Pour sa tournée, Émile Bilodeau partagera la scène avec des jeunes de son âge « qui ont la tête aussi folle» que lui. Il se réjouit de voir que ses salles sont déjà pleines. «Je fais le plus beau métier du monde. Les gens de mon âge ont des boulots au salaire minimum et ils dépensent 25 $ pour venir voir mes shows. C'est beau.»

Émile Bilodeau ne s'en cache pas: il veut sortir du lot.

Dans la pochette de Rites de passage, le chanteur folk remercie ses profs. «Désolé, j'ai été un élève vraiment tannant», écrit-il.

«J'avais la maladie de m'exprimer et de vouloir attirer l'attention, nous dit-il avec du recul. Il y a quelque chose qui bouillait en moi.»

On n'en doute pas une seconde.

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FOLK. Rites de passage. Émile Bilodeau. Grosse Boîte.

image fournie par Grosse Boîte

Rites de passage, d'Émile Bilodeau