À 68 ans, Chaim Tannenbaum lance son premier album en carrière. Ce disque que ses amis musiciens espéraient depuis toujours n'était pas une absolue nécessité pour le compagnon de route de Kate et Anna McGarrigle.

À 68 ans, Chaim Tannenbaum lance son premier album en carrière. Ce disque que ses amis musiciens espéraient depuis toujours n'était pas une absolue nécessité pour le compagnon de route de Kate et Anna McGarrigle.

« On me demande toujours pourquoi j'ai mis tant de temps [à sortir mon disque], mais j'avais du plaisir et je ne ressentais pas un manque. Je ne bluffe pas quand je vous dis combien j'ai aimé jouer avec Kate et Anna », nous répétait Chaim Tannenbaum, de passage dans sa ville natale la semaine dernière.

Le multi-instrumentiste à la voix d'ange, qu'on a entendu chanter Blue Christmas d'Elvis dans les spectacles de Noël des Wainwright-McGarrigle, est un membre de ce clan musical depuis toujours. Dès le milieu des années 60, il fréquentait les boîtes de folk montréalaises où Kate et Anna chantaient avec les Mountain City Four, groupe auquel il allait s'intégrer.

AMI DE KATE ET LOUDON

Quand Kate McGarrigle et Loudon Wainwright III ont connu leur première rupture, au début des années 70, c'est chez Chaim, à Londres, que la musicienne s'est réfugiée. Peu après, Loudon a frappé à la même porte et est devenu lui aussi un grand ami de ce drôle de musicien qui étudiait la philosophie des mathématiques dans la capitale anglaise. Ensemble, ils ont joué et chanté dans les rues de Londres.

« Je jouais du banjo, Loudon, de la guitare, et Kate, du violon. Imaginez Loudon et Kate jouant dans la rue : les passants s'attroupaient et restaient là pendant 45 minutes, bouche bée. On a amassé pas mal d'argent. »

- Chaim Tannenbaum

Longtemps, Chaim Tannenbaum a été la seule personne qui pouvait se dire un ami de Kate et de Loudon après leur rupture acrimonieuse. Pas étonnant que, sur son premier album, il ait voulu que Loudon chante avec lui la très belle (Talk to me of) Mendocino de la regrettée Kate, parmi les chansons traditionnelles et quelques-unes de ses propres compositions.

« Je ne pouvais pas faire un album sans y faire état de mon affection envers Kate... et Anna. Je savais qu'il y aurait au moins une chanson que Kate et Anna ont écrite. Nous la chantions tous les trois à la fin de leurs concerts. Lors d'un spectacle de Noël, il y a quelques années, je ne me souviens pas si c'est Norah Jones, Emmylou [Harris] ou Martha [Wainwright] qui la chantait mais, en coulisses, Anna m'a demandé : "Te souviens-tu quand on chantait ça ?" Comme si j'avais pu l'oublier ! »

MONTRÉALAIS DANS L'ÂME

Pendant une vingtaine d'années, Chaim Tannenbaum a partagé son temps entre Londres et Montréal où il enseignait la philosophie au collège Dawson. S'il vit à New York aujourd'hui, c'est que sa femme est une artiste peintre représentée par une galerie dans la métropole américaine.

« Et c'est aussi parce que Kate et un autre ami très cher étaient malades en même temps. Je me suis dit : "Nos amis se meurent, nous sommes les prochains, partons !" Aujourd'hui, je reviens à Montréal pour des funérailles », dit-il, pince-sans-rire, avant d'ajouter : « J'adore Montréal. »

Sa chanson Brooklyn 1955, qui raconte la dévotion d'un mordu de baseball pour les Dodgers de l'époque, est tout à fait fictive. « La nostalgie que j'y exprime n'est pas pour les Dodgers, mais pour les Expos. Ils ont laissé un trou dans mon coeur de la dimension d'un été », dit-il joliment.

Dans le livret de ce premier album de Chaim Tannenbaum, Loudon Wainwright III écrit qu'il n'a jamais connu un auteur-compositeur-interprète de talent moins ambitieux que son ami Chaim. « Je suis profondément paresseux », répond celui qui se décrit comme un schizophrène parfait, partagé entre les mathématiques et la musique - deux facettes de sa personnalité entre lesquelles il ne voit aucun lien mais qui font son bonheur.

Quoi qu'il en dise, ce n'est probablement pas une question d'ambition, ni de paresse. Pour Chaim Tannenbaum comme pour ses amies Kate et Anna, la musique est d'abord et avant tout un prolongement naturel de sa personnalité.

À Nashville, où une vieille dame lui a dit un jour, sans un soupçon d'antisémitisme, qu'elle s'étonnait d'entendre un « petit Juif » chanter le gospel comme lui, il me raconte avoir vu jouer dans un bar un groupe dont le bassiste avait accompagné Johnny Cash pendant dix ans. Ce musicien avait l'air parfaitement heureux dans l'anonymat d'un bar, comme Chaim Tannenbaum l'était quand il jouait avec Loudon Wainwright III et le super musicien David Mansfield - un trio qu'il compare à celui de Béliveau-Geoffrion-Olmstead du glorieux Canadien de son enfance : deux surdoués et un joueur honnête auquel Chaim s'identifie spontanément.

Chaim Tannenbaum donnera un spectacle-lancement à l'Upstairs le 9 juin. Il sera accompagné de Joel Zifkin et Tom Mennier, deux autres membres du clan Wainwright-McGarrigle. Puis, à l'automne, il partira en tournée au Royaume-Uni avec son ami Loudon : « Nous sommes maintenant deux vieux hommes qui font ce qu'ils faisaient quand ils étaient deux jeunes hommes. »

Avec le même plaisir, aurait-il pu ajouter.

Chaim Tannenbaum. Chaim Tannenbaum. StorySound Records.

image fournie par StorySound Records

L'album homonyme de Chaim Tannenbaum