Montréal, Tiken Jah Fakoly connaît bien. L'Ivoirien (transplanté au Mali) y vient balancer son roots reggae depuis l'an 2000. Voilà donc le retour d'un habitué, artiste consacré, reconnu pour la puissance de sa machine et son autorité sur scène, ce qui lui confère le pouvoir attractif de remplir le Métropolis.

Il fait 42 degrés à Bamako, il en fait 10 à Montréal. «Je vais vous ramener quelques degrés! D'autant plus que le public est très chaleureux chez vous, ça devrait faire l'affaire au total», blague le chanteur au bout du fil.

On imagine bien que le menu principal de sa prochaine escale puisera dans l'album Racines (sous étiquette Barclay/Universal), soit le plus récent de sa discographie, exclusivement constitué de classiques de la grande époque roots reggae.

«Je ne jouerai pas complètement l'album Racines, il y aura aussi des chansons de Dernier appel, African Revolution, L'Africain... Je ferai quand même sept titres sur onze du nouvel album, c'est déjà bien!»

Pour Tiken Jah Fakoly, refaire les grands classiques était écrit dans le ciel.

«C'est la notion de racines qui l'emporte, soutient-il. Je voulais rendre hommage à l'âge d'or du reggae. Je voulais montrer que, depuis les années 70, le reggae avait toujours contribué à la liberté d'expression et à l'éveil des consciences. Il s'agit donc d'un hommage à Bob Marley, Peter Tosh, Burning Spear, Ken Boothe, U Roy, bref tous les anciens reggaemen de Jamaïque mais aussi de l'Afrique, car je chante Alpha Blondy.»

«Encore aujourd'hui, leur message est pertinent. Prenez la chanson Get Up, Stand Up de Bob Marley: pour les Africains, se lever et défendre ses droits, c'est toujours d'actualité.»

Dans la même optique, Tiken Jah Fakoly voulait qu'une autre idée maîtresse infuse dans la marmite: la racine du reggae, c'est l'Afrique.

«Si jouer du balafon et de la kora sur Get Up, Stand Up, ça se passe très bien, ça veut dire pour moi que l'inspiration de ce morceau est africaine. Je ne crois pas me tromper, car Bob Marley s'est toujours réclamé de l'Afrique, à l'instar de tous les artistes du reggae. Il y a un lien évident», soulève notre interviewé, réformateur du roots reggae de par ses imbrications de musiques traditionnelles issues d'Afrique de l'Ouest.

«J'ajoute ces instruments africains depuis 2007, ça donne une couleur originale. De la part d'un Africain, il serait dommage de ne pas ajouter cette richesse. C'est ce qui fait la différence entre reggae jamaïcain et reggae africain», affirme notre interviewé.

Légendes en en fort

Tiken Jah n'en demeure pas moins soucieux de respecter la facture originelle du roots reggae.

«Quand on veut faire un album comme Racines, pense-t-il, il faut recruter les musiciens qui ont joué ces grandes chansons à l'époque de leur création. Et c'est ce qu'on a fait: Robbie Shakespeare avait joué la basse sur African de Peter Tosh, Mikey Chung avait joué la guitare, Sly Dunbar la batterie et Robbie Lyn les claviers. Quarante ans plus tard, ils ont tous travaillé sur Racines. À part les instruments traditionnels et plusieurs voix, tout a été fait en Jamaïque, soit au studio Tuff Gong à Kingston, là même où Bob Marley et les Wailers travaillaient à l'époque.»

Réunir des musiciens historiques n'est pas une garantie de succès, Tiken Jah en est parfaitement conscient; ces superstars de la grande époque peuvent simplement s'exécuter et passer ensuite à la caisse... Ce qu'infirme le chanteur ivoirien : 

«Au contraire, il y a eu plus d'ambiance lors de ces séances d'enregistrement que dans le cadre de plusieurs autres pour mes albums précédents. On travaillait fort à Kingston, mais... on discutait aussi, on échangeait, on mangeait ensemble, on rigolait. On m'a aussi raconté plusieurs anecdotes, j'ai appris notamment que Peter Tosh avait beaucoup d'humour. Ces grands musiciens étaient donc avec moi pour partager. Vous savez aussi que ce n'est pas ma première expérience d'enregistrement là-bas. J'y suis allé au moins cinq fois depuis 1999.»

Les voix de Tiken Jah ont été partiellement enregistrées en Jamaïque, les autres à Paris. Les instruments traditionnels ont été joués à Bamako, le tout a été mixé à Londres, et voici la tournée.

«Je voyage avec mon groupe habituel, indique le chanteur. Le band est panafricain et antillais: le batteur est ivoirien (Ludovic), les choristes sont ivoirienne (Julie) et gabonaise (Wendy), le joueur de n'goni est malien (Andra), le claviériste guadeloupéen (Dave), le bassiste vient de Dominique (Ras Jumbo), le guitariste du Cap-Vert (Vivi). »

Et pourquoi donc ne pas avoir invité les vieux rastas à tourner à ses côtés?

«J'aurais peut-être envisagé de tourner avec Sly & Robbie, mais ça prenait des moyens financiers que je n'ai pas et... je n'avais pas non plus envie de mettre mes musiciens au chômage. Alors ça se passe très bien avec mon groupe, et je suis très content qu'il m'accompagne. Nous avons déjà fait quatre dates en France, on reprend la tournée en Amérique. Nous sommes prêts pour le Canada.»

L'infusion est prête à être sirotée!

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Le 6 mai, à 20 h 30, au Métropolis; première partie de Pomerlo.