Quiconque s'intéresse aux mots d'Arthur H conviendra que sa fantasmagorie, sa sensualité et son exubérance poétiques peuvent déborder le cadre chansonnier via lequel il nous a généralement séduits. Ses textes peuvent effectivement acquérir une autonomie littéraire et même se retrouver en suspension dans l'univers. Plus précisément dans la Satosphère... pour une rencontre d'un autre type.

Le cauchemar merveilleux fut d'abord un recueil de contes poétiques, publié chez Actes Sud en 2015. Un communiqué de l'éditeur français résume l'oeuvre en affirmant qu'il s'agit d'«une plongée exubérante dans la réalité folle d'un monde cacophonique», c'est dire.

Arthur H y propose la diffraction poétique de phénomènes réels et actuels, observés à travers le prisme de son imaginaire. Il y est question de terrorisme planétaire, de superhéros, de religions exacerbées, de physique quantique, de son, de lumière, de culture en pleine déliquescence, de sexe halluciné, de violence, d'inquiétude, de fraîcheur, d'innocence, de beauté.

«C'est très contemporain, c'est très imagé, ça parle d'aujourd'hui», résume le principal intéressé, rencontré mardi dernier, peu avant de se produire devant un public réuni dans la Satosphère, soit le dôme multimédia de la Société des arts technologiques (SAT).

Que dire de plus? Avec sa compagne Léonore Mercier, plasticienne du son, Arthur H a voulu en dire plus, soit en faisant voyager autrement les mots de son Cauchemar merveilleux.

«Il y avait ce désir profond de raconter d'une autre manière. Nous nous sommes demandé: comment pourrions-nous libérer de leur livre ces poèmes très imagés? Comment les lancer dans l'espace?»

«Pour parvenir à nos fins, Léonore avait convenu d'abord qu'il fallait construire un dôme, poursuit l'artiste français, car c'est la configuration idéale pour diffuser le son. Nous voulions mettre en valeur toute la beauté du son en en offrant le spectre complet, du grave à l'aigu, du très doux au très fort. Car nous voulions que les éventuels spectateurs soient en position d'écoute attentive».

À Paris, une première version sonore du Cauchemar merveilleux fut présentée dans un dôme d'armatures métalliques, nommé Synestésium. La voix graveleuse d'Arthur et le design sonore de Léonore s'y complétaient sans projections visuelles.

«Lorsqu'on a démarré ce projet, on s'était dit: surtout pas d'images! Il nous fallait sortir de la dictature du visuel, on voulait plutôt que les gens imaginent leurs propres images. C'était ça, l'idée, mais... de passage à Montréal, on a tellement flashé sur la Satosphère! Quand j'y suis entré, j'ai tout de suite senti que c'était un outil extraordinaire, la soucoupe volante de mes rêves. Et ça rejoignait l'idée que Léonore avait eue au départ, c'est-à-dire trouver l'endroit parfait pour entendre et voyager avec le son, mais cette fois avec des images.»

Nommée Ambisonics, une technique de diffusion du son permet à 175 enceintes acoustiques de le répartir dans le dôme de la Satosphère, lui permettant ainsi d'acquérir une intelligibilité exceptionnelle. Et puisque le dôme est aussi un écran, il y a lieu d'assortir le son d'une immersion visuelle, d'où une résidence de plusieurs jours sur les lieux pour mettre au point une nouvelle version du Cauchemar merveilleux.

En ce mois d'avril, Arthur H et Léonore Mercier se sont appliqués à perfectionner leur proposition sonore et à y greffer une création vidéo. Pour ce, le couple s'est adjoint les services de Maxence Mercier, compositeur électroacoustique et créateur en art numérique - et aussi frère de Léonore.

«Il a mis au point un logiciel permettant de dessiner le son dans l'espace à partir de cette technique Ambisonics, explique Arthur. Le son peut alors effectuer diverses trajectoires en temps réel. Dans le même esprit, on cherche à projeter des images qui font l'amour avec le son et les mots, sans prendre le dessus. On ne veut surtout pas que le pouvoir revienne à l'oeil... comme d'habitude.»

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Sans ses protagonistes en temps réel, la nouvelle version audiovisuelle (enregistrée) du Cauchemar merveilleux, une expérience immersive, est présentée à la Satosphère de la Société des arts technologiques jusqu'au 13 mai, 19 h, du mardi au vendredi.