Rufus Wainwright a fait une saucette à Montréal, samedi dernier, pour parler aux médias de la nouvelle version de son opéra Prima Donna qui sera (enfin !) présentée dans sa ville natale pendant le Festival international de jazz.

Un prétexte pour discuter aussi de son album composé à partir de sonnets de Shakespeare, qui sort vendredi (mettant notamment en vedette Florence Welch et William Shatner), et d'un autre opéra en chantier, Hadrian. Et saviez-vous que Rufus avait chanté pour Justin Trudeau lors de la visite officielle du premier ministre à Washington ? Entre deux anecdotes mondaines, voici les trois projets qui le gardent très occupé.

PRIMA DONNA À MONTRÉAL

« C'est vraiment un big deal », lance Rufus Wainwright dans un mélange de français et d'anglais.

On est samedi matin, un drôle de moment pour se retrouver dans un lounge de la Place des Arts. Victime du décalage horaire, Wainwright cherche avec grand regret ses mots en français, mais il insiste sur l'importance de voir son premier opéra Prima Donna enfin présenté à Montréal les 2 et 3 juillet à la salle Wilfrid-Pelletier. Pas dans sa version originale créée en 2009 à Manchester, en Angleterre, mais plutôt dans un format condensé, à cheval sur les arts visuels, présenté dans plusieurs villes du monde depuis septembre dernier.

En 2008, Wainwright raconte avoir eu « une bataille royale » avec le Metropolitan Opera de New York pour que le livret de Prima Donna soit en français. Après la première finalement présentée à Manchester, Wainwright n'a pas digéré que l'Opéra de Montréal refuse de présenter son oeuvre inspirée de la soprano Maria Callas, qui raconte le retour d'une cantatrice âgée dans le Paris des années 70.

Un paradoxe inacceptable, selon lui. Surtout qu'on a évoqué des questions de budget. « C'est ridicule, lance-t-il. Il y a quatre personnages. »

Finalement, la première nord-américaine de Prima Donna a eu lieu à Toronto dans le cadre du festival Luminato. « Un événement qui fait maintenant grandement partie de ma vie », lance Rufus Wainwright en faisant référence à son mariage avec le directeur artistique de l'événement, Jörn Weisbrod.

Bien qu'il en ait toujours gros sur le coeur, il trouvait important que son oeuvre la plus ambitieuse puisse être vue à Montréal à l'initiative du Festival de jazz. « C'est ma ville natale et c'est un opéra en français avec une chanteuse qui dit venir de Montréal », fait-il valoir.

Le Montréalais aurait aimé que l'intégrale de Prima Donna soit présentée, mais il adore la nouvelle mouture avec la soprano Kathryn Guthrie ainsi que les Québécois Antonio Figueroa et Lyne Fortin. Une version condensée doublée d'un film, réalisé par Francesco Vezzoli, avec Cindy Sherman dans la peau de Maria Callas.

Après l'entracte, Wainwright revisitera des pièces phares de son répertoire (April Fools, Little Sister, Cigarettes and Chocolate Milk) avec l'orchestre dirigé par Jayce Ogren. « Un mélange d'opéra et d'art contemporain. Une sculpture musicale ! », s'enthousiasme-t-il.

UN ALBUM D'APRÈS DES SONNETS DE SHAKESPEARE

Vendredi, Rufus Wainwright lancera Take All My Loves, un album de chansons tirées de sonnets du célèbre dramaturge à qui on rend hommage samedi pour marquer le 400e anniversaire de sa mort. Pour l'occasion, Wainwright prendra part à un grand événement à Stratford-upon-Avon, ville natale de l'auteur de Roméo et Juliette. Seront présents Judi Dench, Helen Mirren et Ian McKellen. « Et le prince Williams », ajoute Rufus.

Wainwright avait déjà transposé en chansons des sonnets de Shakespeare sur son album All Days Are Nights : Songs for Lulu, paru en 2010. Cet exercice de style découlait à la base d'un spectacle-bénéfice donné pour la Royal Academy of Dramatic Art de Londres, puis d'une production de Robert Wilson avec le Berliner Ensemble présentée en 2009.

« Les thèmes de Shakespeare sont contemporains. Personne n'a écrit comme lui par rapport aux genres, à la sexualité et à l'amour. Shakespeare parlait de transgenres. »

- Rufus Wainwright

Un tas d'invités se retrouvent sur Take All My Loves : 9 Shakespeare Sonnets : les acteurs William Shatner, Helena Bonham Carter et Carrie Fisher, de même que la soprano Anna Prohaska.

Sans compter la chanteuse Florence Welch, que Rufus a rencontrée au Château Marmont de Los Angeles. « J'étais à la piscine avec ma fille Viva. Soudainement, Florence, que je ne connaissais pas, arrive avec sa stature saisissante et un élégant costume de bain. Elle a sauté dans l'eau avec ses longs cheveux roux. Ma fille s'est écriée : c'est Ariel de La Petite Sirène ! Puis, Florence a joué avec ma fille pendant une heure, raconte-t-il. Ensuite, je tenais à ce qu'elle soit sur l'album. Elle incarne le côté dramatique de Shakespeare et elle est célèbre ! »

À l'image de la carrière de Rufus Wainwright, Take All My Loves : 9 Shakespeare Sonnets oscille entre le classique et la pop. « Je ne pense pas que cela ait déjà été fait. Quelqu'un m'a demandé ce que Shakespeare en penserait. J'ai répondu : c'est tellement varié dans les styles qu'il aimerait certainement une des chansons. »

HADRIEN ET JUSTIN TRUDEAU

Rufus Wainwright prépare également un autre opéra sur l'empereur romain homosexuel Hadrien, dont la première est prévue à la Canadian Opera Company en 2018. « Je viens de finir le premier acte », précise-t-il.

« Mais après tous ces projets, je vais être dû pour un album pop ! »

« J'en écris beaucoup, signale-t-il. Quand je n'endure pas un ténor, je me réfugie dans ma loge et j'écris une chanson rock'n'roll pour me rappeler que je suis encore un kid ! »

Sinon, Rufus Wainwright a chanté récemment pour Justin Trudeau lors de la visite officielle du premier ministre à Washington. « J'ai interprété Hallelujah de Leonard Cohen. Puis Justin est venu me faire l'accolade pour me dire que c'était sa chanson de mariage. »