«Tout au long de la réalisation de Migration, j'avais accroché une petite pancarte au-dessus de mon bureau, intitulée Sweet reggae music. Ainsi, je savais toujours où j'étais: à mélanger les mondes du reggae et de la musique électronique.»

L'album dont il est question relève donc de cette «sweet reggae music». Québec, Jamaïque, Haïti, États-Unis: tous les collaborateurs de cet album vivent sur ces territoires ou en sont issus. D'où cette migration des cultures. D'où le titre de ce huitième album du Montréalais sous la signature Poirier, sorti vendredi dernier sur le label britannique Nice Up!.

«Chacune des collaborations a sa trajectoire propre. Mon état d'esprit, mes collaborateurs, la circulation des cultures dans ma musique, la conjoncture mondiale: tout converge vers l'idée de migration, la thématique de l'heure», amorce le DJ, compositeur, réalisateur, instigateur du Poirier sound.

«Au-delà de la musique, Migration est aussi l'évocation de la crise mondiale des migrants, de leur quête pour un ailleurs meilleur. Les grandes entreprises et les gouvernements contribuent au chaos économique dans lequel nous sommes plongés, ce qui force le déplacement de millions d'êtres humains à la recherche de conditions de vie acceptables.»

«Je ressens l'urgence de casser cette dynamique, l'espoir de voir une humanité unifiée autrement que pour servir les intérêts des plus puissants. Un monde où la musique devient un carrefour.»

Reggae devant l'éternel

Inutile d'ajouter que la musique est le seul arsenal de Poirier dans ce contexte migratoire. L'approche préconisée ici remonte d'ailleurs aux débuts de sa carrière discographique: reggae, dancehall, électro, alliage de genres au-dessus desquels on chante ou on rappe en patois jamaïcain ou en créole haïtien.

«J'aime le reggae, j'aime son inventivité, j'aime aussi sa simplicité. En 2003, je travaillais avec Séba et mes beats étaient déjà dancehall. En 2004, j'avais fait une série de 12 pouces qui étaient aussi dancehall. En 2005, mon album Breakupdown en était constitué», rappelle notre interviewé.

Dans l'ensemble, Poirier a prévu une lutherie mixte pour son nouvel opus, c'est-à-dire composée d'électronique, de claviers, d'instruments électriques ou acoustiques.

«Cobra, par exemple, est une pièce instrumentale où l'on trouve de la guitare, une première dans ma discographie. En fait, je n'ai pas cherché à changer mon son en y intégrant tous ces instruments, mais plutôt à y insuffler plus de musicalité.»

Migration est sorti vendredi dernier - le même jour que le nouveau film de Denis Côté, Boris sans Béatrice, dont Poirier a signé la trame musicale. «Ce qu'on y entend, ce sont surtout les pièces Rodinia et Villes infinies, tirées de mon projet Boundary. Lorsque Denis a écrit son scénario, il avait en tête ces musiques de Boundary. Ça les révèle sous un éclairage différent, ça les mène ailleurs.»

Autre migration...

____________________________________________________________________________

REGGAE ÉLECTRO. Migration. Poirier. Nice Up! Lancement officiel au Bleury le 11 mars.

Migration, de Poirier