Wyclef Jean s'est produit en grand gratuitement sur la place des Festivals, hier soir, pour le coup d'envoi du festival Haïti en folie, événement tenu en collaboration avec Juste pour rire. L'Américain d'origine haïtienne a rencontré La Presse en après-midi, avec un retard d'une heure causé par une alarme incendie à l'hôtel Hyatt. Patient et généreux, ce Wyclef, qui réalisera le prochain album de Nikki Yanofsky.

Vous étiez l'invité d'honneur du concert-bénéfice HaHaHaïti, dimanche soir. Que représente Montréal pour vous?

Montréal est naturel pour moi. Je viens ici depuis longtemps à cause de mes parents haïtiens immigrants. C'est comme une deuxième maison. Je me sens bien. Imagine ce soir comment je me sentirai bien en jouant dehors.

Si tous les ingrédients sont réunis, il y aura foule ce soir [hier]. À quoi peut-on s'attendre? Des chansons des Fugees, vos collaborations (avec Shakira, Avicii, Carlos Santana)?

Ce sera mémorable! Quand tu écris autant depuis aussi longtemps, c'est difficile pour les gens de savoir tout ce que tu as fait. Les gens pourront voir l'étendue de ma musique.

Vous préparez un nouvel album avec Avicii?

L'album aura pour titre Clefication. Ce soir, je vais par ailleurs faire une nouvelle chanson intitulée Rich Girl. Je collabore aussi avec AfroJack, DJ Khaled... Je veux de nouveaux sons. Je suis fébrile pour mon retour. Vous savez, j'admire Fela Kuti [musicien et homme politique nigérian]. J'ai fait la course à la présidence dans mon pays, en Haïti, en 2010. Ce n'était pas facile de faire quelque chose qui a causé de l'opposition. Nous, les musiciens, sommes habitués d'être aimés. Là, on m'aime encore car je fais de la musique. C'est bien!

Avez-vous des regrets d'avoir fait un saut en politique?

Non. Pour moi, nous naissons, nous mourons, et il y a l'espace dans le milieu. Nous courons d'un endroit à l'autre en oubliant le but véritable de la vie. C'est d'apprendre des uns et des autres, d'aider les autres à progresser... c'est pourquoi la race humaine est différente [...]. J'ai eu une enfance difficile. Je mangeais de la poussière sur le plancher. Nous redeviendrons tous poussière. Le roi comme le sans-abri.

Beaucoup de gens ignorent le fait que vous êtes d'abord et avant tout un musicien de jazz. Racontez-nous.

Étant né en Haïti, le hip-hop était une question de survie quand je suis arrivé à Brooklyn. Il fallait apprendre à rapper dans les rues pour y être accepté. Mais mes habiletés musicales ont commencé dans l'église de mon père. Comme pour la plupart des musiciens noirs, j'ai commencé dans la chorale et j'ai appris l'orgue. Je jouais à l'oreille. Puis à l'école secondaire, je jouais du piano quand un professeur m'a entendu. Il m'a demandé d'où venait cet apprentissage. Je lui ai dit que c'était dans ma tête. Il m'a répondu: «Tu ne comprends pas à quel point c'est difficile». Il m'a dit: «Tu dois suivre des cours de jazz.» Je ne trouvais pas cela cool comme le hip-hop, mais j'y suis allé et j'ai découvert la contrebasse. J'ai adoré les échelles chromatiques... j'aimais le fait qu'il n'y avait rien de mauvais, mais que c'était dans le rendu. J'adorais Art Blakey. J'ai fait le standard Take the A Train dans une compétition de jazz [...]. J'adorais composer aussi. Avec ma passion pour le hip-hop, j'ai commencé à travailler avec les Fugees (avec Pras Michel et Lauryn Hill). Mon style éclectique vient du jazz. C'est ce que je dis à ma fille de 10 ans.

Revenons à votre nouvel album. Pourquoi avoir confié la réalisation de Clefication à Avicii?

Quand j'ai entendu sa musique, j'ai pensé à mon album éclectique The Carnival [sorti en 1997] en raison de l'étendue des styles qu'il combine. Il n'est pas juste un DJ. Il est l'incarnation moderne d'une partition de musique. Il écrit de façon moderne en utilisant un ordinateur. Cela revient au jazz... Le jazz, c'est de la fusion.