Toujours considéré comme faisant partie de l'élite électro, toujours sur la coche, Chris Clark enregistre chez Warp depuis une quinzaine d'années. Britannique transplanté à New York, il est encore jeune, malgré l'expérience et la notoriété acquises: 35 ans et... la matière d'un huitième album à soumettre aux mélomanes technoïdes qui iront à sa rencontre.

On se souvient d'une excellente performance donnée à la Satosphère en 2012, dans le cadre de MUTEK et suivant la sortie de son album Iradelphic. Puis Clark a sorti en septembre 2013 l'album de remix Feast/Beast, suivi d'un très bel opus studio sans titre, lancé en novembre 2014. Ce dont il a été surtout question mercredi soir.

«La différence entre le dernier et les précédents? J'ai travaillé durant une période très courte. Quatre mois pour composer et réaliser un album studio, c'est inhabituel pour moi. Je peux prendre des années avant de terminer un seul album! Cela a eu l'avantage de hausser mon niveau de concentration. Pour y parvenir, je me suis extirpé de toutes les distractions.»

En ce qui a trait à la nature du résultat, Clark préfère s'abstenir... en toutes circonstances. «En tout cas, je n'y colle aucun sens. Si je le faisais, ce serait plutôt idiot. Un artiste n'agit pas selon des motivations rationnelles. Alors lorsqu'on me demande pourquoi j'utilise tel son dans telle pièce, je ne sais vraiment pas s'il y a lieu de commenter.»

«Je ne peux même pas prétendre avoir trouvé quelque chose de neuf, sauf dans la manière: le processus de création ne cesse de se transformer en musique.»

L'importance de trier

On en déduit que le musicien s'estime en mesure de commenter ses façons de créer. 

«Je constate qu'il y a davantage de musiques mises de côté que de musiques sélectionnées parmi les versions préliminaires d'un album. Les technologies nous permettent désormais de générer énormément de matière; à mes débuts, c'était beaucoup plus complexe de traiter et sauvegarder les sons. Maintenant, le tri est devenu plus important. Ce qu'on décide de ne pas faire devient aussi crucial que ce qu'on décide de faire.»

Autre caractéristique de sa patte: l'injection de voix, d'instruments acoustiques, piano et cordes magnifiés par l'électro. Il corrobore. «J'aime vraiment manipuler les sons de ces instruments. Dans la même optique, j'aime retravailler la voix humaine. Via différentes sources et différents outils, les sons de synthèse se confrontent aux sons existants; c'est d'ailleurs un trait fondamental de la musique électronique.»

Clark insiste: il ne se contraint à aucune rigidité méthodologique. «Je sais que certains créateurs refusent d'échantillonner les fragments de musiques préexistantes... et je trouve cela plutôt dogmatique. Créer ses propres sons n'est jamais une garantie de succès. D'autres procédés d'échantillonnage peuvent être aussi valables et... ne mènent pas assurément à la grande qualité. En fait, seul compte le résultat.»

Conscient que les outils de la musique électronique sont en perpétuelle mutation, Clark n'est pas dupe des tendances cool du moment. Il cite à cet égard la mode des synthétiseurs modulaires: «Personnellement, j'aime beaucoup en faire usage, mais je sais que ce n'est pas une garantie de succès. Il n'y a pas d'équipement magique qui puisse rendre la musique magique.»

«Je ne dois pas me restreindre à une seule méthode, à un seul outil. Je cherche à créer de la bonne musique, point à la ligne.»

Musique en direct

Ce soir, sur scène, il sera équipé de synthés, d'une boîte à rythmes, d'un ordinateur, de plusieurs effets connexes... et d'une tête pleine d'idées qui fusent en temps réel.

«J'essaie vraiment de jouer, et non de balancer la matière de mes compositions. Sur scène, cette matière diffère de mes enregistrements. Pour qu'un artiste électronique capte l'intérêt d'un public, il doit travailler très fort. Il doit faire en sorte que la connexion entre les spectateurs et ses outils électroniques soit aussi intéressante que celle établie par la musique instrumentale. De plus, il me faut essayer d'atteindre l'équilibre entre la substance de mes enregistrements et l'impact physique de son interprétation dans un amphithéâtre. Ainsi, je m'applique à démontrer que je ne fais pas de DJing, mais bien de la musique en direct.»