Il y a trois ans, le premier album de David Giguère apportait un vent de fraîcheur alternatif sur la scène pop-rock du Québec. C'est avec le même espoir enthousiaste que l'on accueillera mardi Young/Old/Everything.In.Between d'Elliot Maginot, réalisé par Jace Lasek des studios Breakglass. Entrevue avec un jeune homme qui assume pleinement son côté émotif.

«Sa voix m'a vraiment touchée. L'émotion partagée lorsqu'il est sur scène est incroyable.»

Ces mots viennent de Kyria Kilakos, directrice générale d'Indica, florissant label de Montréal qui fait briller le talent de Half Moon Run, Ludovic Alarie, Misteur Valaire et Alexandre Désilets.

Un contrat avec Indica, ce n'est pas rien. «J'étais à la bonne place au bon moment. À Saint-Georges de Beauce, lors du lancement de la maison de la culture, où quelques artistes étaient invités», raconte Elliot Maginot.

Kyria Kilakos, qui accompagnait alors Colin Moore, a vu le grand brun sur scène. «Elliot, c'est du grand charisme, du grand talent. Je devais aller à sa rencontre», dit-elle.

C'est mardi qu'Elliot Maginot lancera son premier album, qui a pour titre Young/Old/Everything.In.Between. Il dit partir de rien. Et pourtant. Au cours des derniers mois, Elliot Maginot a assuré les premières parties de Franklin Electric, Les Soeurs Boulay, Ian Kelly et même Les Trois Accords. «De belles salles et de belles crowds», dit-il.

Au cours de la dernière semaine, l'hebdomadaire canadien Exclaim! a mis son album en écoute, ce qui témoigne de son rayonnement potentiel dans le marché anglophone au-delà des frontières du Québec.

Autodidacte

Originaire de Saint-Hyacinthe, Montréalais depuis huit ans, Elliot Maginot a

26 ans. La musique est venue par hasard avec la guitare rêvée que beaucoup d'adolescents se procurent. Il a fait ses trois premiers accords avec du folk sans trop de sérieux, mais des bribes de mélodies et de chansons ont abouti dans les archives de son iPod.

«À l'époque, mon frère est tombé là-dessus par hasard et il m'a dit: peut-être que tu devrais en faire quelque chose», raconte Elliot Maginot.

Grâce à Garage Band, le jeune auteur-compositeur a pu vivre son fantasme de musicien sans avoir à demander l'aide de personne. L'idéal pour l'artiste au tempérament timide qui cache son nom derrière un pseudonyme.

En 2011, Elliot Maginot s'est retrouvé avec une dizaine de chansons, qu'il a mises en ligne «sur feu MySpace». Il a ensuite multiplié les spectacles dans des bars de Montréal après avoir lancé un EP et abandonné des études littéraires à l'UQAM. «Les choses ont déboulé. J'ai eu un contrat de disque par le plus grand des hasards.»

Ce hasard est survenu à Saint-Georges de Beauce, disait-on, le 22 mai 2013.

Jace Lasek à la réalisation

Treize mois plus tard, Elliot Maginot entrait en studio pour bosser avec le réputé réalisateur montréalais Jace Lasek, des Besnard Lakes.

Elliot Maginot n'avait pas soif d'un album de folk, a-t-il précisé au réalisateur des studios Breakglass. «J'avais envie de faire de la musique excitante avec beaucoup de percussions et du synth, raconte-t-il. La direction de l'album s'est faite on the spot en studio. Je n'avais pas de band dans ce temps-là, mais des petits démos piano-voix et guitare-voix avec des petites idées d'arrangements.»

Maginot et Lasek ont puisé dans le coffre à jouets de Breakglass et ont invité un saxophoniste. «Comme tout se construisait en studio, on a essayé beaucoup d'affaires, mais, en même temps, il fallait que ça se passe.»

Lasek est connu comme un réalisateur qui guide ses protégés plutôt que d'insuffler sa propre vision. Il a su faire fleurir l'imagination musicale de Maginot. «On a fait les chansons comme elles sortaient», raconte-t-il.

Donner dans la chanson et non dans le rock, en oscillant entre la pop et l'alternatif, représente un bel exercice d'équilibre «Je n'ai pas peur d'aller trop loin dans la pop. Je suis moins fermé d'esprit. J'ai tenté de bannir le terme «plaisir coupable». Si j'aime ça, j'aime ça. Il y a des trucs pas possibles sur l'album... même de l'Auto-Tune.»

Des chansons aux racines folk (Monsters at War, Bell) et d'autres au piano mélancolique se faufilent à travers des airs eighties rêveurs et lumineux ainsi que des harmonies vocales et arrangements qui rappellent fortement Bon Iver.

Elliot Maginot se considère comme un mélomane «paresseux» - on dirait passionné - plutôt que comme un curieux à la recherche de nouveauté et d'inédit. Il peut écouter et réécouter les mêmes albums. Ceux de Bon Iver, justement. «Je ne veux rien surestimer, mais je pense que Bon Iver a libéré beaucoup de gens... C'est correct d'être over the top mélancolique, expose-t-il. Je n'ai pas tracé de ligne à ne pas dépasser, souligne-t-il.

M83, Roxy Music, Elliott Smith... d'autres références émanent de nos écoutes de Young/Old/Everything.In.Between.

Des titres datent de trois ans (Monsters at War, Jepeto), d'autres sont nés en studio l'été dernier. «J'ai déjà hâte au deuxième album avec une séance d'écriture plus concentrée.»

Mais ne précipitons pas les choses. La prochaine étape est le spectacle-lancement, mardi prochain, au National. Elliot Maginot sera accompagné du guitariste JP Hébert (qui partage aussi la scène avec Lisa LeBlanc), du claviériste Jesse Mac Cormack et du batteur Mathieu Leguerrier.

«Les quatre chantent, donc on fait un bon boys band», annonce Elliot Maginot avec un sourire en coin.

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