Ils ne s'étaient encore jamais rencontrés avant d'être réunis le temps d'une photo pour La Presse. Michel Louvain et Antoine Gratton avaient pourtant déjà un projet en commun: Ils chantent Louvain, album hommage au chanteur de charme sur lequel des artistes comme Paul Daraîche, Daniel Lavoie ou René Simard interprètent 13 de ses plus grands succès sous la direction d'Antoine Gratton.

Alors que Michel Louvain recevra le prix Hommage pour l'ensemble de sa carrière au gala de l'ADISQ dimanche soir, l'opus qui lui est consacré sera lancé le lendemain. Entretien croisé.

Q: Qu'avez-vous pensé quand vous avez entendu parler de cet album hommage pour la première fois?

Michel Louvain: Il y a trois mois, on m'a dit qu'on faisait un disque intitulé Ils chantent Louvain, mais que je ne pouvais pas en savoir plus. Antoine Gratton l'a réalisé et y chante Ma belle gitane. Je l'ai rencontré pour la première fois ce matin [jeudi]. Je suis fier de son travail; c'est magnifique comme album! C'est rare que je m'écoute. Mais comme ce sont d'autres qui me chantent, je vais le faire!

Antoine Gratton: Michel a été tenu loin du projet, car les producteurs voulaient que ce soit une surprise pour lui, un cadeau. Le défi était intéressant. Je connaissais les grandes chansons de Michel Louvain et le personnage, sans plus. On m'a approché pour faire cet album sur la foi des arrangements de type orchestral que j'ai effectués sur le disque de Brigitte Boisjoli. Michel est notre crooner national et je suis un fan du genre. La commande était d'actualiser ses chansons tout en gardant le côté classique de Michel.

Q: Quelle est votre chanson coup de coeur sur l'album?

Antoine Gratton: C'est intéressant de remettre ce genre de chanson à son état pur. J'avais les arrangements de Michel Louvain en tête en partant et je devais ramener le tout à un niveau piano-voix ou guitare-voix, étudier le texte et reprendre le sens des chansons. J'adore Ay! mourir pour toi, interprétée par Michaël. C'est vraiment tragique comme chanson. On y retrouve des émotions violentes, mais toujours avec le sourire, la classe et la dignité avec lesquels Michel interprète ses titres.

Michel Louvain: Un certain sourire, chantée par Patrick Normand. Je le dis souvent sur scène: elle figurera toujours dans mon répertoire de spectacle, car c'est mon coup de coeur, ma chanson fétiche. C'était la chanson préférée de ma mère et je la lui ai chantée quelques secondes avant son accident cérébral. Elle est sacrée pour moi.

Q: Votre plus belle surprise sur cet album?

Antoine Gratton: On m'a proposé La belle gitane, que je chante sur l'album. Ça me semblait un peu dur à cerner. Je me suis demandé si je connaissais de belles gitanes dans ma vie pour trouver l'inspiration. Je suis allé puiser dans mon vaste répertoire d'amours secrètes [rires]. Mais effectivement, ç'a pris son sens en la chantant, j'ai compris toute l'émotion véhiculée. Je suis tombé amoureux de toutes les chansons à force de les travailler.

Michel Louvain: Je suis tombé en bas de ma chaise quand j'ai vu le nom de Paul Daraîche! Je me suis dit: «C'est le top, je suis au ciel!» Daniel Lavoie qui chante Vous qui passez sans me voir aussi. Il y a 50 ans, quand on chantait dans les cabarets et qu'il y avait des boîtes à chansons, les chansonniers comme lui avaient leur petit monde et nous, les chanteurs populaires, le nôtre. J'écoute ça et j'ai le coeur assez serré. Ça bouscule un peu!

Q: Un souvenir lié à une chanson de l'album?

Antoine Gratton: La dame en bleu, bien sûr. Michel est très facilement imitable. Il est une des voix classiques du Québec. Je ne peux que me rappeler d'amis ou de membres de ma famille chantant «Qui est la belle inconnue»! Tous les interprètes qui sont venus chanter sur le disque n'ont d'ailleurs pu s'empêcher de le faire chacun leur tour pour s'amuser en testant le micro. C'est un classique!

Michel Louvain: Buenas noches mi amor, interprétée ici par Paul Daraîche. Je ne l'oublierai jamais! Elle était sur mon premier disque en carrière. Je l'ai enregistrée en novembre 1957, en haut d'un garage au coin d'Ontario et Pie-IX. J'avais 20 ans et j'étais tout énervé! Mon chef d'orchestre était Roger Gravel. Je me souviendrai toujours, je lui avais dit: «Coudonc, je chante-tu dans un garage, moi [rires]?»

Q: Quels sont vos projets à venir?

Antoine Gratton: Je suis en train de réaliser l'album d'un jeune de Québec, Simon Kearney, mais aussi deux titres pour Alexandre Désilets. Mon album en anglais, A*Star is My Name, est sorti il y a trois semaines (sous le pseudonyme A*Star), ici, mais aussi en France et aux États-Unis sur iTunes. Il faudrait que je forme un band et que je pense à faire un spectacle avec ça!

Michel Louvain: Il m'arrive tellement de belles choses: le livre Michel Louvain: sans âge, le disque et l'hommage à l'ADISQ! J'ai hâte que le gala de dimanche soit passé. Je n'arrête pas de penser à ça, je me réveille la nuit. Ça me fout le trac! Ma gérante vient de m'apprendre qu'en 2016-1017, j'ai déjà une trentaine de spectacles pour mes 60 ans de carrière. Je suis mieux de penser à ce que je vais faire! Je vais avoir 80 ans à ce moment-là, alors je demande à Dieu de me laisser la santé! On va aller partout. On avait vraiment fait quelque chose de grandiose pour mes 50 ans, alors les gens s'attendent à encore plus cette fois.

L'alter ego anglo d'Antoine Gratton

Antoine Gratton a discrètement lancé il y a quelques semaines A*Star Is My Name, son tout premier album anglophone. Un double opus qu'il qualifie de «très expérimental» sur lequel on retrouve une version pop, mais aussi instrumentale (avec le quatuor québécois Orphée) des 19 pièces qu'il a coécrites avec DJ Lone Lebone (Coolio, SoShy). Pour les besoins de cet album avant tout destiné aux marchés américain, britannique et australien, il a d'ailleurs adopté le pseudonyme A*Star.

«C'est un projet destiné à ouvrir des portes. L'objectif est de travailler avec d'autres personnes et d'aller voir ailleurs. C'est une carte de visite, un laboratoire autant house, électro, classique que pop», dit-il.

On retrouve sur A*Star Is My Name des artistes comme Saukrates, SoShy et Stéphanie Boulay (Les soeurs Boulay). Antoine Gratton a également pu compter sur la collaboration du mixeur Andros Rodriguez (Madonna, Justin Timberlake, Shakira).