La Mara Tremblay qui se pointe dans un café du Plateau est «sur un gros high». À la manière des anges est non seulement son premier album de nouvelles chansons en près de six ans, mais c'est un disque qui a comblé l'artiste, l'amoureuse, la mère et la fille de gang en elle.

Ces six années, elle ne les a pas vues passer, affirme-t-elle spontanément. Faut dire qu'elle n'a pas chômé. Après son très bel album Tu m'intimides, elle a revisité son répertoire dans un album live en studio à peu près au même moment où elle lançait un roman joliment intitulé Mon amoureux est une maison d'automne.

«Et j'ai fait trois ans de tournée solo que je n'ai pas vus passer non plus, ajoute-t-elle. Une des plus belles tournées de ma vie.»

Réapprendre à vivre

On en oublie presque que cette hyper-active a reçu en 2010 un diagnostic de bipolarité qui l'a forcée à s'éclipser pendant une année... au cours de laquelle elle a pondu son roman devenu récemment un best-seller. Quand elle a su de quoi elle souffrait, plutôt que de s'effondrer, Mara Tremblay s'est sentie libérée. «J'ai tripé ben raide. On identifie pourquoi je ne feele pas et on fait en sorte que je feele. C'est génial.»

Même si sa nouvelle vie est un apprentissage continuel qui comporte sa part de moments difficiles, c'est avec un nouvel enthousiasme qu'elle s'est attaquée à ce nouvel album.

«Je m'y suis investie du premier mot jusqu'au dernier cheveu de la pochette, dit-elle. Je suis fière de tous mes albums et celui-là encore plus que les autres. Il y a là-dedans quelque chose de plus lumineux, de plus léger, de plus mature. Je n'ai pas peur de dire mon âge - 45 ans - et je suis fière d'être rendue là.»

À la manière des anges se situe dans le prolongement de Tu m'intimides avec des synthés encore plus présents. Comme les Beck et Neil Young qu'elle admire, Mara cherche à étonner son public et à se surprendre elle-même d'un disque à l'autre.

«C'est pour ça que je travaille avec Olivier [Langevin, son réalisateur et complice de toujours]: il est très exigeant à ce niveau-là. Ensemble, on se provoque, on peut chercher pendant toute une journée un petit son, puis, à un moment donné, je pèse sur un piton et on est allumés.»

Une affaire de famille

À la manière des anges est également une affaire de famille. Dans la chanson Que la peine passe, la seule du lot à faire explicitement référence à la bipolarité de la chanteuse, on entend la voix de son jeune fils Édouard, tandis que c'est son aîné Victor qui a écrit la très belle Sans toi qu'ont à peine retouchée sa mère et Langevin.

«Que la peine passe dit à quel point les enfants sont importants et t'empêchent de sombrer, explique-t-elle. Moi, ce sont mes garçons qui m'ont sauvée, donc quand je chante «de me poser sur toi», c'est beaucoup sur mes enfants; c'est Édouard qui chante cette espèce de douceur-là qui console.»

Un rayon de lumière, si ténu soit-il, filtre jusque dans les chansons les plus noires de l'artiste qui se décrit comme une «bonne personne, positive, lumineuse». La toute première chanson du disque, Les dentelles du cygne, donne le ton: «C'est comme passer à une autre étape après tous mes autres disques qui disaient «je ne suis pas capable d'aimer». Dans celui-là, je suis capable.»

Dans l'avant-dernière chanson de l'album, Nostalgie, on retrouve tout à coup la Mara country à la voix nasillarde qu'on a tant aimée. «On hésitait à la mettre, mais j'ai besoin de chanter comme ça, de dire ça et de le dire de cette façon-là. Les gens qui me connaissent depuis 25 ans vont me reconnaître et ils vont être contents.»

Le disque se termine sur le même ton avec Les arbres sont bleus, adaptation réussie de The Grass Is Blue de Dolly Parton qu'elle a chantée à la radio dans sa mouture d'origine à l'invitation de l'animatrice Marie-Louise Arsenault: «Je suis tellement tombée amoureuse de cette chanson que des mots en français sont apparus. Ça n'avait jamais été traduit. Elle [Dolly Parton] a écouté ma version et elle a donné son accord. Je capotais!»

La thérapie de la scène

Pendant des années, la création a été une forme de thérapie pour Mara Tremblay. «Maintenant que je vais bien, c'est moins un besoin thérapeutique, dit-elle. Je ne bois pas, je ne fume pas. C'est peut-être l'âge qui fait ça, mais la seule ivresse que j'ai, la seule place où je peux me laisser aller, me sentir libre et être vraiment sur le party, c'est quand je suis sur scène.»

Elle a donné son dernier concert solo en avril et a déjà hâte de renouer avec son public en janvier prochain, entourée de gens avec qui elle se sent bien: son chum François Sunny Duval aux guitares et claviers, son fils Victor à la batterie, le bassiste François Plante et la chanteuse et guitariste Victoria Lord. Et Mara, qui jouera de tout le reste.

«J'ai une personnalité hyper douce, mais je viens de jouer trois ans toute seule et j'ai hâte de faire du rock, dit-elle. On a tellement d'énergie; il y a quelque chose de cru qui est vraiment le fun.»

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ROCK-POP

Mara Tremblay

À la manière des anges

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