C'est à Montréal, «une ville qui respire» et vit «un état de grâce artistique», que le Français Arthur H est allé chercher le grand air qui souffle dans son nouvel album, où flottent le souvenir de la chanteuse disparue Lhasa et le cliquetis des caisses enregistreuses.

Montréal, «c'est pour moi un endroit chaud et inspirant», dit-il de sa voix grave et légèrement traînante, en recevant l'AFP près de chez lui, dans le XXe arrondissement de Paris, quelques jours avant la sortie lundi de son nouvel album Soleil dedans (Polydor/Universal).

«Je trouve que c'est une ville qui respire et qui vit une espèce d'état de grâce artistique», ajoute le chanteur de 48 ans qui, digne fils de Jacques Higelin, cultive le goût de la liberté et de l'exploration depuis la parution de son premier album en 1990.

À Montréal, la ville de Leonard Cohen, d'Arcade Fire, de Coeur de Pirate ou de Pierre Lapointe, «il y a plusieurs tribus» d'artistes, selon Arthur H, qui revendique une appartenance à «celle de Lhasa», la chanteuse américano-mexicaine décédée d'un cancer en 2010 à l'âge de 37 ans.

«Il y a deux ans, on a fait un grand hommage à Lhasa dans son quartier, à Montréal. Il y avait tous les gens qui ont collaboré avec elle. En jouant avec tous ces musiciens, je me suis dit que c'était ma famille, avec une connivence d'esprit, et je me suis dit que j'avais très envie de faire un disque avec eux», explique le chanteur qui chante notamment un duo sur le disque avec le Canadien anglophone Patrick Watson, autre «petit frère» de Lhasa.

Les chansons ont été écrites en solitaire entre la France, les îles québécoises de la Madeleine, dans l'embouchure du Saint-Laurent, et à Big Sur, en Californie. Et enregistrées ensuite au Québec avec des musiciens du cru et un esprit «très nord-américain» déstabilisant pour ce perfectionniste.

«Des fous!»

«Les Québécois, ce sont des fous!», sourit le chanteur.

«Ils ont décidé qu'il fallait très peu répéter, (au motif) que plus ils répéteraient, moins ils seraient spontanés! Ça m'a fait assez peur, mais j'ai accepté ce pari», ajoute-t-il.

Plus «fou» encore, la fin de l'enregistrement a donné lieu, début 2014, à une «performance» artistique dans un centre d'art contemporain de Montréal, le Centre Phi, avec caméras dans le studio et retransmission en direct pour les visiteurs et sur internet.

Ce dispositif a visiblement permis au chanteur de se lâcher davantage. Il n'hésite plus à laisser aller sa voix dans les aigus (Une femme qui pleure, L'autre côté de la lune) et donner une coloration plus sociale à sa poésie, en fredonnant sa tendresse pour La caissière du super, qui «bosse pour son boss», pour «la bouffe de son gosse» et pour rembourser la banque.

Certains verront une référence à Money et Pink Floyd avec ces sons de caisses enregistreuses en introduction de cette Caissière contée par un chanteur qui conserve aussi un regard aiguisé sur les évolutions touchant le secteur musical.

«Le streaming est un flux extraordinaire, où tu as accès potentiellement à toute la création musicale. C'est une espèce d'océan, (mais) dans lequel évidemment on va se noyer», constate-t-il, un «peu triste» de voir que le travail des artistes n'a «plus de valeur».

«À une époque, j'avais plutôt tendance à défendre les maisons de disque parce que les producteurs sont ceux qui permettent aux artistes de s'exprimer, qui soutiennent des carrières comme les miennes ou d'autres pas forcément très rentables avant longtemps», souligne-t-il.

«Mais, là, ils ont été un peu malhonnêtes parce qu'ils ont fait des «deals» avec tous les gros sites de streaming où, sous prétexte qu'ils prenaient des risques, ils se sont arrogés tout l'argent sans rien redistribuer aux créateurs. Le système est complètement déséquilibré», dénonce le chanteur.