Alors que beaucoup d'artistes indépendants versent dans la pop ou dans les compromis pour vivre de leur musique, Caila Thompson-Hannant, alias Mozart's Sister, incarne toujours l'esprit «indie» qui est en train de s'effriter. La chanteuse se sent toutefois moins dans l'ombre qu'elle ne l'était à ses débuts en solo. Son premier album officiel, Being, vient d'être lancé.

Sorti en février 2013, le premier EP de Mozart's Sister, Hello, s'est fait classer dans la même catégorie que la musique de Grimes: du bricolage électro-pop qui s'envole grâce à une voix incandescente.

Being, lancé mardi dernier, est une extension de Hello. «L'album vient du même matériel et de la même période que l'EP. Une période où j'élaborais le projet et où je me demandais encore où cela s'en allait.»

Après avoir quitté la Colombie-Britannique pour s'installer à Montréal, Caila Thompson-Hannant a fait partie du groupe indie à succès Think About Life, auquel le chanteur Matt Shane a mis fin. «Matt était tanné de l'industrie et cela affectait le groupe», dit-elle. Elle a ensuite accompagné Graham Van Pelt pour son projet Miracle Fortress.

Le jour est venu où elle s'est retrouvée devant un ordinateur à vouloir apprendre à enregistrer ses propres chansons et à parfaire son écriture de chansons électronique avec des claviers, des échantillonnages et les outils du logiciel Ableton.

«C'était une période excitante où je me sentais libérée et où je constatais que je pouvais y arriver. Je compose toujours des chansons, même en marchant dans la rue, mais il fallait ensuite parvenir à les construire avec des outils.»

Au fil du temps, Caila a forgé son propre son, qu'elle décrit comme de la «dirt-pop».

Son électro-pop de chambre pige autant dans le R & B que dans le trip-hop. Et sa voix puissante prend plusieurs formes et se multiplie en différents effets sonores, autant au chapitre rythmique que mélodique.

«J'aime utiliser ma voix de façon théâtrale, à travers des personnages.»

Un équilibre fragile

Caila Thompson-Hannant n'a pas baptisé son projet Mozart's Sister au hasard. À ses débuts en solo, elle se reconnaissait dans la soeur du célèbre compositeur autrichien. Une artiste talentueuse mais reléguée au second plan.

«J'éprouvais un sentiment d'infériorité ou de manque de reconnaissance, précise-t-elle. Le fait de m'approprier ce personnage m'a permis de libérer cette partie de moi. En assumant ce que je ressentais, ces sentiments sont disparus. Mais j'aurai toujours du plaisir à rester en marge du groupe.»

Aujourd'hui, à 29 ans, la musicienne se sent considérée à sa juste valeur. Il faut dire que son premier album sort sur l'étiquette Paper Bag Records et qu'il était en écoute sur le site de Pitchfork cette semaine. Dans la dernière année, Caila a également tourné avec le duo électronique Trust. Après un spectacle au MEG, Osheaga l'a appelée en renfort, dimanche dernier. Elle a aussi été programmée à la dernière minute au Festival d'été de Québec après avoir participé au OFF du FEQ. Elle se produira au Festival de musique émergente dans moins d'un mois.

En tant qu'artiste, elle entretiendra toujours un rapport ambigu avec la popularité et le succès. «Je veux bien faire de la pop positive, mais, en tant que féministe et anticapitaliste, il y a plein de choses dans l'industrie que je déteste. Il faut mettre des oeillères pour plonger...»

Mozart's Sister incarne la belle époque de l'indie-rock: son intégrité artistique a le dessus sur la valeur commerciale de ses créations musicales.

Cela se reflète dans sa musique. «Quelque chose de positif, significatif et rempli de questionnements», résume-t-elle.

CHANSON POP ÉLECTRO. Mozart's Sister. Being. Paper Bag Records.