Steve Goodman, alias Kode9, est sans conteste l'un des créateurs et penseurs les plus visionnaires de la musique électronique. Le répertoire de son label Hyperdub compte des artistes brillants tels que DJ Rashad, Laurel Halo, Burial, Ikonika, Jessy Lanza et DVA.

Titulaire d'un doctorat en philosophie, jadis chercheur à la Cybernetic Culture Research Unit de l'Université de Warwick, cet Écossais a longuement réfléchi sur la culture rave, la cybernétique, le postmodernisme et l'afrofuturisme. En 2009, il publiait Sonic Warfare: Sound, Affect, and the Ecology of Fear, essai portant sur l'usage coercitif de la puissance sonore sur les humains. Encore aujourd'hui, il aime lier l'intellect à la création.

À l'instar de notre Tim Hecker, le philosophe est surtout musicien. Il provient des styles jungle, drum'n'bass et 2-step garage, il a fait dans le dubstep et le grime, il est naturellement enclin au dub et au dancehall puisque les veines électroniques dans lesquelles circule son flux créatif en sont des prolongements.

La Presse a profité de son passage au Piknic Électronik pour lui poser quelques questions.

Quel est votre principal centre d'intérêt en tant qu'intellectuel?

Je suis engagé dans la recherche sur la Troisième oreille, qui canalise des fréquences sonores entre le mort et le vivant, le bon sens et l'absurdité et des lieux disparates dans le temps et l'espace.

Quels sont les enjeux créatifs de votre plus récent projet artistique?

Il s'agit d'un projet collaboratif entre artistes et scientifiques, dans le cadre de l'organisation AUDINT (Audio Intelligence), intitulé Martial Hauntology. Créé de concert avec Toby Heys, il s'agit d'un album, sorte de film invisible qui s'accompagne d'un livre. Ce projet implique la rédaction de textes, l'enregistrement de la narration, la création de musique et de sons qui les accompagnent.

Quelle est votre signature préférée sur Hyperdub par les temps qui courent?

Le dernier album de DJ Rashad, Double Cup.

Quelles sont les différentes configurations de vos performances devant public?

Au cours des dernières années, j'ai donné des concerts constitués exclusivement de ma musique avec le projet Spaceape. J'ai aussi joué en direct de la musique de films (Her Ghost) et j'ai fait plusieurs DJ sets. Chaque configuration comporte des objectifs différents et requiert des technologies différentes.

Écoutez-vous exclusivement de la musique électronique? Sinon, quoi d'autre?

J'écoute beaucoup de musique répétitive, pas juste de l'électronique. La répétition représente un thème majeur pour moi.

Depuis quelques années, on observe un mélange intéressant des genres dans le monde électro. Voyez-vous l'émergence de tendances fortes?

Au Royaume-Uni, du moins, les tendances les plus intéressantes transforment les codes génétiques de certains styles. Par exemple, le grime hybride la club music américaine.

Quelle est la musique qui vous inspire le plus actuellement?

J'écoute un grand nombre de productions de style footwork, très important à Chicago. Plus particulièrement le Teklife Crew.

La perspective de fusionner musique électronique et musique instrumentale vous intéresse-t-elle en tant qu'artiste?

Puisque je ne joue pas d'instruments, l'échantillonnage et la synthèse m'importent plus que toute autre technique. J'aime tout de même les cocktails mêlant l'analogique et le numérique.

Préférez-vous faire danser ou nourrir l'esprit? Quel est le contexte qui vous sied le mieux?

Je m'adapte à plusieurs types de performances. Et je ne crois pas à la dichotomie entre les pratiques consistant à nourrir l'esprit et à faire bouger le corps. Je m'applique à faire les deux en même temps.

Quelle est, grosso modo, l'approche de la tournée actuelle?

Il ne s'agit pas d'une tournée. Je viens simplement jouer au Piknic.

Vous avez sûrement un point de vue sur l'avenir politique de l'Écosse. Quel est-il?

Je déteste passionnément le nationalisme, je suis partagé sur cette question. Parce que je vis à Londres, je ne peux voter... mais je voterais Oui à l'indépendance écossaise. Pour le meilleur et pour le pire, les Écossais devraient pouvoir choisir eux-mêmes leur avenir. Pendant trop longtemps, ils ont été gérés par des partis de Londres pour lesquels ils n'avaient pas voté.

À la place de l'Homme du parc Jean-Drapeau, ce soir 21 h, dans le cadre du Piknic Électronik.

Gratuit

Puisque le programme du Piknic s'inscrit dans le cadre des festivités des Week-ends du monde, l'entrée est gratuite pour tous. La programmation est taillée sur mesure pour l'occasion: rythmes tropicaux, sud-américains, caribéens, sud-africains, swing et une finale puisant aux sources du monde entier.