Avec sa belle gueule, il aurait pu devenir une pop star. Mais le destin en a décidé autrement. Même si des légendes ont chanté ses chansons, et que l'impresario des Beatles s'est intéressé à son cas, Eric Andersen demeure largement méconnu. À 73 ans, ce vétéran de Greenwich Village ouvrira le festival folk de Montréal, qui se déroule du 18 au 22 juin.

Q: Bob Dylan, Judy Collins, Johnny Cash, les Grateful Dead et Peter Paul ont repris vos chansons. Pourquoi vous connaît-on toujours aussi mal?

R: J'ai des fans. Les gens aiment mes chansons. Mais je n'ai jamais eu un gros succès comme Blowing in the Wind ou Like a Rolling Stone. Ce n'est pas faute d'avoir eu des occasions. En 1967, Brian Epstein [le manager des Beatles] m'a même fait signer un contrat. Mais il est décédé juste après!

Q: Certains de vos contemporains ont eu plus de chance. Qu'est-ce que ça vous fait?

R: Être connu, c'est bon pour les affaires. Tu tournes plus. Mais il faut vivre pour d'autres raisons. Il faut vivre pour atteindre la sagesse et faire ce qu'on doit faire. C'est plus important que le succès. De ce côté, je n'ai pas à me plaindre. J'écris des chansons. Je tourne un peu partout. Certaines années ont été meilleures que d'autres. Mais j'ai toujours vécu de ma musique. J'ai une belle vie.

Q: Si Brian Epstein n'était pas mort, vous aurait-il demandé de faire des compromis pour avoir plus de succès?

R: Je ne crois pas. La première chose qu'il m'a dite c'est: je veux que tu fasses ce que tu veux, de la manière dont tu veux, je ne te dirai jamais quoi faire. Tout ce que je te demande, c'est d'accepter d'aller jouer dans des émissions comme le Ed Sullivan Show. Mais pour le style, ne change rien.

Q: Et votre style, c'est du folk?

R: Je n'ai jamais vraiment été un chanteur folk. Être un chanteur folk, c'est chanter ce qui est déjà là. Je suis plutôt un auteur-compositeur. Je crée des choses. Je rends visible ce qui est invisible. On me décrit comme un chanteur folk parce que je suis parfois seul avec ma guitare. Et parce que j'ai fait partie de la scène de Greenwich Village au début des années 60. Les gens aiment les étiquettes, c'est facile.

Q: Vous allez quand même jouer au festival folk de Montréal!

R: Mon truc est de créer des choses pour que les gens les ressentent. Peu importe le style. Tant que ça touche les gens. Tout ce que je peux vous dire, c'est que les mots viennent tout seuls lorsque j'écris. Je n'y pense même pas. Je m'assois et je prends les notes. Ça me traverse, mais c'est quelqu'un d'autre qui fait le boulot. Ce n'est pas mystique. C'est réel. Aussi réel qu'une toast dans une assiette...

Q: Vous chantez depuis 50 ans et avez enregistré au moins 25 albums. Qu'est-ce qui vous inspire aujourd'hui?

R: La littérature, en bonne partie. En 2009, j'ai participé à un bouquin sur l'auteur William Burroughs. J'ai fait aussi fait des chansons pour le 100e anniversaire d'Albert Camus. J'extrapole à partir de ses livres, un peu comme si on prenait des raisins pour faire du vin. J'adore Camus. Un génie. Son travail est toujours valide.

Q: Allez-vous jouer ces chansons pour votre concert à Montréal?

R: Quelques-unes. Sinon, ce sera des morceaux tirés de mon répertoire. Des anciens, des plus récents. Il n'y aura que moi, avec une guitare et un piano. D'ailleurs, si vous jouez du piano, n'hésitez pas à monter sur scène avec moi. C'est comme ça que ça marche. Tout le monde est invité. Si tu es un bon musicien, pas besoin de répéter...

Q: À quand remonte votre dernier passage ici?

R: J'ai souvent joué à Montréal. J'y ai même eu un appartement au début des années 70. Je n'y allais pas souvent. J'étais trop occupé. Mais j'aimais la ville. Je me souviens d'être sorti avec Liberace dans un bar appelé le Sex Club. On avait le même agent de tournée. Ce fut une de mes soirées les plus mémorables!

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Eric Andersen se produit le mercredi 18 juin au Centre culturel Georges-Vanier. Première partie: Cécile Doo-Kinge.

Le Festival folk

Le Festival folk sur le Canal, 7e du nom, accueille cette année une vingtaine d'artistes, issus de Montréal, du reste du Canada et des États-Unis. Le 20 juin au Théâtre Paradoxe (5959, rue Monk), le festival présente notamment une soirée hommage à Tom Waits, avec entre autres Patrick Watson. Plusieurs concerts extérieurs gratuits seront aussi donnés à l'îlot Charlevoix, près du canal de Lachine. Pour plus d'informations: montrealfolkfest.com