C'était en mai 2001. De concert avec l'artiste électro Merzbow et le groupe bruitiste Wolfe Eyes, le guitariste Richard Pinhas avait répandu d'incandescentes coulées de son, parmi les plus dévastatrices en 30 ans de Festival international de musique actuelle de Victoriaville.

À tel point que les fans finis de drone et de bruitisme top niveau se préparent de nouveau à pagayer; pour eux, c'est bien connu, la vie est un long fleuve... de distorsion.

Le musicien français sera cette fois entouré d'une équipe entièrement japonaise. «Avec Merzbow, Tatsuya Yoshida et Keiji Haino, ce sera différent de notre rendez-vous précédent», prévient Richard Pinhas, joint à Nantes avant la grande traversée vers les Bois-Francs.

«En mai 2013, nous avons joué ensemble, et le résultat ne fut pas du tout le même qu'avec Wolf Eyes et Merzbow. Les choses ont évolué depuis, nous sommes rendus ailleurs.»

Dans le détail?

«Vous savez, reprend Pinhas, il y a quelque chose de très spécial entre Yoshida - un des meilleurs batteurs que je connaisse - et moi. Pour sa part, Merzbow (Masami Akita) crée des ambiances incroyables. Et ces ambiances peuvent très bien se mêler à celles de Keiji Haino qui use de guitares, voix et tambours. Très chamanique, très envoûtant, suprasensible!»

Il y a une dizaine d'années, donc, Richard Pinhas fit la connaissance de ses collègues au pays du Soleil levant. Merzbow avait alors partagé son programme un premier soir, idem pour Yoshida le lendemain. Pendant les rappels, ils s'étaient joints à lui et c'est ainsi que tout s'est enchaîné. Plusieurs enregistrements ont été réalisés depuis lors, notamment sur le label américain Cunneiform chez qui Richard Pinhas est un incontournable.

Pour le rendez-vous de ce soir, notre interviewé voit une sorte de dialectique orchestrale où deux approches s'affrontent et se complètent.

«D'un côté, nous avons Merzbow et Haino qui créent du son brut, de la matière, de l'ambiance, explique-t-il. De l'autre côté, nous avons un guitariste (moi-même) et un batteur (Yoshida) qui avons une certaine expertise sur des instruments plus conventionnels. Mais, au fond, la maîtrise des instruments importe peu. J'ai longtemps joué des synthétiseurs avant de me consacrer exclusivement à la guitare. Yoshida, lui, vient du jazz et peut jouer de tous les styles que nous ne jouons pas... En fait, nous sommes d'abord intéressés par le flux sonore et non par la technique qui conduit à le produire.»

Dans cette même optique, l'arsenal de nos guerriers franco-japonais n'est pas complexe, révèle Richard Pinhas: voix, guitare-synthé, guitare électrique, pédale zoom distorsion, variété de programmes informatiques, filtres, oscillateurs, vieux synthés et boîtes de contrôle analogiques.

«Des trucs très simples. Le son, en fait, provient de notre imagination. De nos têtes.»

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Vendredi soir, 22h, au Colisée des Bois-Francs, dans le cadre du Festival international de musique actuelle de Victoriaville. Info: fimav.qc.ca