Pour décrire l'univers de Jesuslesfilles, nous avons donné libre parole aux membres du groupe, qui lance son second album, Le grain d'or, aujourd'hui. Ils ont répondu à nos questions avec leur esprit de rockeurs qui refusent la norme et le contentement sans donner dans «l'irréfléchi» et le «garroché».

À l'image des fouilles qu'il faut mener pour dénicher des grains d'or, avez-vous procédé par essais et erreurs pour créer votre deuxième album ou plutôt avec une direction dictée à l'avance?

Par essais et erreurs, souvent, longtemps, pendant près de trois ans. Des 11 pièces de l'album, il y en a seulement deux qui sont restées telles quelles. Les autres ont été coupées, collées, concises, augmentées à travers des jams jusqu'à l'obtention d'une belle matière. On a travaillé les reliefs et l'intensité des pièces pour en garder l'essentiel. Il n'y a jamais de direction donnée à l'avance; ça s'élabore toujours en cours de route, à remettre le métier sur l'ouvrage. Ça donne des tounes de deux ou trois minutes, mais denses en prêtre.

Vous participez au retour du rock noisy et mélodique nineties. Pourquoi les groupes reviennent-ils à des structures de chansons plus directes et rentre-dedans, selon vous?

Peut-être, parce que l'indie-pop ça va faire.

Faire des spectacles à Halifax, New York et Reykjavik ou jouer sur un bateau avec Ty Segall [artisan californien du rock garage] à Toronto, ça ne change pas un groupe, sauf que...

Halifax, ça n'a rien changé; New York, ça fait un petit velours; Reykjavik, un pas pire gros couplé à des souvenirs notables comme manger du requin putréfié (une délicatesse locale) et jouer devant 150 personnes qui ne comprennent pas ce que tu racontes mais qui apprécient vivement parce que le médium, c'est le message. Quant à Ty Segall sur un boat à Toronto, il faut faire attention de ne pas regarder les vagues en même temps parce que ç'a fait perdre le beat.

Que diriez-vous à une personne qui n'a jamais vu Jesuslesfilles en spectacle? À quoi doit-elle s'attendre et quelles précautions doit-elle prendre?

À un ampli Peavey Bandit 112 (donc à des mémoires de sa première guitare électrique, probablement), à un show de 25 ou 30 minutes, selon qui gagne, et à des références à Daniel Balavoine (notre idole).

Benoît Poirier, vous êtes un ex-membre honorable de Bande à part et le directeur musical de CISM. La marge est-elle une planche de salut pour vous?

Oui, surtout qu'elle a la tribune maigre. Plutôt que de se servir d'une recette éprouvée, il faut défier l'habitude par le risque. Héraclite disait: «Jamais deux fois dans le même fleuve.» Moi aussi, je dis tout le temps ça. Parce qu'il l'a dit.

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ROCK NOISY. Jesuslesfilles, Le grain d'or. Lancement vendredi prochain au Divan Orange.