Le Black Sabbath classique a sorti un premier album en 35 ans, 13, qui s'est hissé au sommet du palmarès, et s'est lancé dans une tournée mondiale qui, un an plus tard, passe par Montréal. Conversation avec l'unique Ozzy Osbourne.

C'est vrai, il faut tendre l'oreille pour bien saisir les mots mâchouillés qui sortent de la bouche d'Ozzy Osbourne, mais on ne pourra jamais l'accuser d'avoir la langue de bois.

De sa Californie d'adoption, Ozzy se réjouit des retrouvailles du Black Sabbath des années 70 avec le guitariste-compositeur Tony Iommi et le bassiste-parolier Geezer Butler, mais il ajoute aussitôt que l'absence du batteur Bill Ward, insatisfait du contrat qu'on lui proposait, l'attriste «sincèrement». En tournée, Ward est remplacé par Tommy Clufetos, membre du groupe d'Ozzy.

Il faut dire que la vie dans Black Sabbath n'a jamais été de tout repos. Ozzy en sait quelque chose, lui qui, en 1979, était tellement lessivé qu'on l'a évincé de ce groupe qui n'était pourtant pas reconnu pour son abstinence. Le chanteur, qui est sobre depuis à peine un an et qui trouve la chose difficile, me dit que c'est probablement ce qui pouvait arriver de mieux à Black Sabbath à l'époque.

«Nous étions tous diminués par la drogue et l'alcool, et ce fut un très mauvais moment dans nos carrières. Je n'ai pas aimé la façon dont ça s'est terminé, alors qu'aujourd'hui, si on fait un autre album, parfait, mais si on n'en fait plus jamais, je pourrai au moins dire que 13 aura été le dernier.»

L'album 13, le premier numéro un au palmarès dans l'histoire de Black Sabbath, et la tournée qui a suivi l'an dernier n'ont pas dépaysé les fans de la première heure. 13 est un proche cousin du tout premier album Black Sabbath et sa dernière chanson, Dear Father, se termine par un énorme clin d'oeil à l'intro de l'album de 1970: de la pluie et une cloche qui sonne. Une idée du réalisateur Rick Rubin, un fan de longue date.

«Quand on s'est retrouvés en studio avec Rick, il nous a fait jouer notre premier album, raconte Ozzy. Il nous a dit: «Ne pensez pas heavy métal», et j'avoue que j'ai mis du temps à comprendre où il voulait en venir. Pour lui, ce foutu premier album de Black Sabbath avait une très forte connotation de blues. Tout à coup, on a pigé: au tout début, on était un groupe de blues qui donnait des concerts et quand on a enregistré le premier album, on a simplement joué en studio comme on le faisait sur scène. Certaines chansons de 13 ne sont rien d'autre que des jams à base de blues. Quand Rick a dit qu'il trouvait ça fantastique, nous étions les premiers étonnés.»

La malédiction

Black Sabbath devait partir en tournée en 2012 quand Tony Iommi a appris qu'il souffrait d'un lymphome. «Aux dernières nouvelles, il était en rémission complète, précise Ozzy. On dirait que chaque fois que Black Sabbath veut faire quelque chose, la guigne s'acharne sur nous.»

La guigne ou plutôt la malédiction, diront ceux qui ont toujours pris un peu trop au sérieux l'image maléfique que Black Sabbath a adoptée à l'époque en s'inspirant d'un film d'horreur.

«Pour moi, Black Sabbath, c'était rien qu'un nom, je ne pensais pas qu'on serait associés à Satan et tout le reste, raconte celui qu'on a surnommé le Prince des ténèbres. C'était une foutue histoire d'Halloween, et je ne pensais pas qu'on nous prendrait au sérieux. On riait de nous-mêmes! Quand les gens se sont mis à se déguiser pour venir à nos concerts et qu'on nous a invités à participer à des messes noires ou à jouer dans des cimetières, j'ai cru que c'était une énorme blague.»

Une blague dont Black Sabbath a tenté de se démarquer un tout petit peu dès son deuxième album, avec la chanson War Pigs: «À l'époque, on ne chantait que le flower power et l'amour universel, mais c'était la foutue guerre du Viêtnam et les gens se faisaient massacrer. Avec War Pigs, on a décidé de parler de ce qui se passait réellement dans le monde, pas juste des contes de fées.»

D'un point de vue musical, il n'est probablement pas un groupe de rock dur qui n'ait été marqué par Black Sabbath, à qui on attribue souvent la paternité du heavy métal. Dès qu'il est question de l'influence de Black Sabbath, le chanteur tourne le projecteur vers Tony Iommi.

«Tony Iommi est un gars très brillant, le genre qui, quand il dit: «Je vais essayer de jouer quelque chose», trouve tout de suite quelque chose de magique. Je me souviens qu'au tout début, il voulait acheter une flûte, et je me demandais bien pourquoi. Eh bien, il en a acheté une et il en a joué. Ce n'était pas un grand flûtiste, mais il se débrouillait pas mal.»

Ozzy, lui, dit qu'il a surtout été marqué par les Beatles et Paul McCartney, son héros: «Combien de grandes chansons ce gars-là a-t-il écrites? Je l'ai rencontré plusieurs fois et c'est un gentil garçon.»

Sur ce, nos 15 minutes sont écoulées. Ozzy s'excuse et me laisse sur un «God bless». Comme il se doit.

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Black Sabbath, au Centre Bell le 7 avril.