Je regarde La voix avec un certain intérêt et, chaque semaine, je me fais la réflexion: Isabelle Boulay a l'air si calme, si posée, si douce en regardant les concurrents défiler à la caméra et livrer bataille avec leur voix bien aiguisée. Je sens - même si, ici, on ne sauve pas des vies - sa compassion devant ceux qui tombent et même ceux qui restent. J'avais envie de rencontrer ce petit bout de femme, cette chanteuse que j'ai mis du temps à apprécier.

Je me souviens même de lui avoir bêtement dit, après un de ses discours émouvants à l'ADISQ - quelque temps après la mort de son père, je crois -, que je préférais quand elle parlait que quand elle chantait. Assez nul, j'en conviens. C'était il y a longtemps, avant qu'elle devienne une chanteuse libre et réaliste, avant qu'elle se permette son premier album country.

Elle était de la tournée Brel. Elle a terminé une série de spectacles en Europe. Elle prépare un album de chansons de Reggiani. Bref, elle ne manque pas de boulot. Pourquoi alors Isabelle Boulay a-t-elle accepté d'être coach à La voix?

«J'avais envie de me reposer de moi-même. J'ai eu beaucoup de parrains et de marraines au fil de ma carrière. C'était donc une façon pour moi de tendre la main.»

Les auditions à l'aveugle ont été pour elle particulièrement éprouvantes. «Des montagnes russes émotionnelles, dit-elle. Je me suis beaucoup demandé si, aujourd'hui, j'aurais eu le courage de me présenter là. Je ne sais pas si j'aurais été capable d'attaquer de front. J'y ai vu des gens que j'ai croisés au cours de ma carrière.»

Le dénominateur commun

En fait, ce qui l'intrigue depuis le début de l'aventure, c'est l'humain: qu'est-ce qui motive ces gens à venir se mesurer? D'ailleurs, se mesurer à quoi? À eux-mêmes? Aux autres? À l'ambition de leurs parents? «C'est extrêmement chargé par moments, dit-elle. Ce n'est pas juste chanter, c'est être capable d'aller toujours chercher l'espace pour s'exprimer.»

Isabelle a eu une vie pour apprendre. «Puis, je n'ai pas fini», ajoute-t-elle. Elle a beaucoup appris en regardant les autres - les Johnny Hallyday, par exemple -, des artistes très accomplis qui pratiquent leur métier de différentes manières.

«Il y a un dénominateur commun, explique-t-elle. C'est sûr qu'Éric Lapointe et moi, on ne s'exprime pas de la même manière, mais on se ressemble beaucoup, au fond.»

L'Isabelle Boulay d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier. «Je me sens libre maintenant, dit-elle. J'ai changé quand j'ai fait mon album country. C'était le retour aux sources, comme si ça m'avait donné une légitimité.»

Ce courage, elle l'a trouvé en allant voir, un jour, Etta James au Festival international de jazz de Montréal: une épiphanie, une révélation! Elle a vu en elle une chanteuse qui jamais ne s'excusait d'être ce qu'elle était.

«Il fallait que j'arrive à atteindre cette liberté. Par exemple, je ne veux pas avoir 50 ans sans faire un album country avec T-Bone Burnett, et je veux être reçue comme une francophone d'Amérique. Maintenant, je me donne le plaisir de chanter ce que je veux. D'ailleurs, avec Reggiani, j'entre un peu dans cet univers.»

Après la dernière ligne droite de La voix, Isabelle va donc s'atteler à un nouvel album de chansons popularisées par Serge Reggiani. «Si j'avais été un homme, je crois que je lui aurais ressemblé...»

Une femme inspirante selon Isabelle Boulay : les femmes affranchies

«Je n'ai pas une seule femme comme modèle, mais toutes celles qui m'inspirent ont un dénominateur commun. Des femmes affranchies, libres, des femmes qui n'ont pas été prisonnières de leur destinée, mais qui ont écrit leur destin. Parmi elles: Françoise Sagan, Juliette Gréco, Vanessa Paradis, Lise Payette, Carla Bruni et Coco Chanel.»