Des centaines de spectacles, onze appartements, quatre années, deux albums, un prix Révélation Radio-Canada... Attablée dans un café de la rue Ontario, Mamselle Ruiz fait le point sur ce qui la sépare du Mexique.

Lorsqu'elle a posé les pieds à Montréal pour la première fois en 2010, accompagnée de son copain - un acrobate québécois -, elle croyait repartir aussitôt. «Nous étions en visite à Québec et, par hasard, un ami nous a appelés pour nous dire qu'il y avait des auditions le lendemain pour le spectacle Les chemins invisibles, raconte-t-elle dans un français fluide. On s'est dit: «On y va.» »

Une guitare et des échasses avaient, là aussi par hasard, fait la route dans le coffre de leur voiture. Résultat: durant deux ans, Mamselle Ruiz a chanté dans le ciel de la Vieille Capitale.

Ce n'est que dernièrement qu'elle est retombée sur ses pieds, un appartement stable dans Parc-Extension et un nouveau disque dans son sac à dos.

«Mon premier album manquait de cohérence, un peu comme ma vie de gitane à l'époque, dit la chanteuse en replaçant une longue tresse noire qui glisse sur son front. Je trouve ce disque plus homogène, plus mature.»

Miel de cactus prouve que son amour pour le folklore latino-américain ne s'est jamais tari. Elle propose un mélange de doux et de piquant, d'elle et d'autres, d'ici et d'ailleurs. En font foi des rythmes métissés et des textes trilingues, quoique pour la plupart espagnols. «Je parle constamment en français, alors c'est aussi naturel quand j'écris, explique-t-elle. Je me suis demandé si je devais traduire ces passages, mais j'ai décidé de les conserver tels quels, par souci d'authenticité.»

Toute une évolution pour celle qui, il y a quatre ans à peine, ne parlait pas un mot de la langue de Richard Desjardins - qu'elle admire - et rêvait déjà d'un prochain voyage.

Au Québec, elle a pu faire la rencontre de nombreux musiciens, dont le trompettiste Jacques Kuba Séguin et le chanteur Alexandre Désilets, qui participe à trois pièces du disque. «Mes rencontres m'ont surtout permis de mieux me connaître, de prendre un recul sur ma propre culture. Je l'apprécie davantage.»

Reprises et compos

Mamselle Ruiz a glissé cinq compositions très personnelles, inspirées notamment de la mort de son père en 2012, entre des standards latins comme l'hymne vénézuélien Moliendo Café ou la chanson huapango Cucurrucucu Paloma, qu'elle a modernisés avec l'aide du guitariste et arrangeur Dominic Gamelin.

«J'ai beaucoup hésité à faire des reprises. J'avais peur d'être jugée. Mais quand je les jouais dans mes spectacles, les gens venaient me demander sur quel album il pouvait les trouver. Elles étaient prêtes, alors on les a intégrées.»

Son public, qui s'est promptement attroupé autour d'elle à ses débuts dans les stations de métro, au marché Jean-Talon ou encore près du Château Frontenac, reste sa première motivation. Grâce à son nouvel album, elle renouera avec lui dans de nombreux festivals, au Québec comme au Mexique.

De ses années de bohème, elle garde le sens du partage. «Dans les grandes salles, je préfère qu'il ne fasse pas trop noir: je veux voir les gens. C'est un contact très important pour moi, je veux qu'il y ait un échange.»

C'est donc entre deux langues et deux modes de vie que Miel de cactus a poussé dans le désert de son exil. Le prochain album, prévoit-elle, sera composé principalement de matériel francophone inédit. De «gitane éparpillée» à sédentaire «assurée», Mamselle Ruiz a su éclore à Montréal sans jamais enterrer Mexico, là où ont poussé ses racines.

MUSIQUE DU MONDE

Mamselle Ruiz

Miel de cactus

Masiart

> spectacle-lancement le 14 mars au Cabaret du Mile End