À vue de nez, il n'y a rien, vraiment rien de factice chez Ian Kelly. On peut en témoigner lorsqu'on l'a devant soi, au bout du nez. Beau trentenaire de bonne volonté, folk pop sans forcer comme c'est fort probablement le cas pour son public.

Il a quatre albums à son actif, créés sans prétention. En ce matin automnal, il est question du quatrième: selon le principal intéressé, All These Lines témoigne d'une réalisation ambitieuse.

À 34 ans, Ian Kelly porte la barbe et la casquette française, croit ne pas correspondre à l'idée qu'on se fait d'un hipster. Il habite Morin-Heights avec sa femme et leurs deux enfants. Tout indique qu'il aime sa femme, que sa femme l'aime, que tout le monde s'aime au sein d'une famille heureuse.

«Jusqu'à ce qu'elle retourne aux études, nous avions choisi qu'elle reste à la maison avec les enfants... et pour qu'elle s'occupe de moi sur le plan personnel [sourire]. Je trouve que ça a fait une belle différence! Les enfants ont de bons résultats à l'école, ils ont confiance en eux. Ils sont allés à une garderie plutôt anglophone, ils vont dans une école élémentaire francophone. Nous vivons dans un contexte où les deux langues sont parlées, aussi bien en profiter», explique le chanteur, né de mère anglo et de père franco, éduqué à l'école franco malgré la langue maternelle.

Des résultats éloquents

Dans une optique relativement similaire, Ian Kelly porte le patronyme irlandais de sa maman. Le choix était justifié pour sa carrière, les résultats sont éloquents: s'exprimant dans un anglais fluide, il a conquis un public qui le fait bien vivre. Aujourd'hui, il a confiance en ses moyens, mène sa barque comme il l'entend. À ses débuts, d'ailleurs, il avait créé, réalisé, produit et commercialisé lui-même son premier album sur son propre label, avant de signer chez Audiogram.

Encore là, dans une même optique... «All These Lines a été fait principalement seul. Jusqu'à l'automne dernier, en fait: j'avais créé une cinquantaine de chansons avant qu'Éloi Painchaud ne vienne m'aider à choisir et peaufiner, ajuster. Après quoi il m'a laissé tomber pour travailler sur la musique du film Louis Cyr, c'était peut-être plus lucratif...» Vraiment? D'un album précédent, Speak Your Mind, n'a-t-il pas vendu 45 000 exemplaires en toute légalité? Dans un marché aussi restreint que le nôtre, on peut parler d'exploit.

Ainsi, Ian Kelly est un artiste québécois qui plaît surtout aux francos en chantant en anglais. Humblement, il s'explique le phénomène: «Je suis chez Audiogram, un label francophone, dont les contacts sont plutôt francos. Pour le reste, je ne suis pas assez indie pour le circuit indie, pas assez mainstream pour le circuit mainstream. Je ne suis pas dans le son indie... et on ne m'invite pas non plus à La voix

Il estime que son album précédent était peut-être un peu plus folk que celui-ci. Sans vouloir exagérer, Ian Kelly dit se rapprocher de ses premières amours musicales: «J'ai commencé à vouloir faire des disques parce que je trippais sur la réalisation de Nine Inch Nails. J'écoutais le hip-hop de The Roots et A Tribe Called Quest, mais aussi le métal de Pantera ou le stoner rock de Queens of the Stone Age. Un jour, j'ai fait un premier disque, on m'a dit que c'était folk. J'ai dit OK», raconte-t-il, haussant les épaules.

Pour All These Lines, en fait, il cherchait à offrir «un album pop qui a des couilles et qu'on a envie d'écouter». Il voulait mettre de l'avant un nouveau répertoire «plus édifiant», «plus motivant», «même si les thèmes de mes chansons ne le sont pas.»



On l'invite alors à piger quelques thèmes au hasard:

«Dans la chanson One Day, j'aimerais trouver plus de solutions au lieu d'énumérer des problèmes. Surtout par rapport à l'environnement: l'air et l'eau, c'est plus important que le pétrole et les métaux précieux.» Dans Gold, il est question d'économie: «Les décisions de nos sociétés se prennent pour l'économie au détriment du reste. Je n'arrive pas à comprendre la logique. Pourquoi toujours emprunter en ne payant que les intérêts? Pourquoi ces écarts aussi grands entre la richesse et la pauvreté? What's the deal with gold

Do You Love The Rain? et The World Stopped Turning évoquent sa mi-vingtaine, période charnière selon ses dires: «J'avais arrêté de boire, connu ma femme, lâché mon emploi de technicien de scène, fait mon premier album, eu mon premier enfant... Ma vie a changé.» Pour le mieux, semble-t-il: «The Best Years aborde l'importance de vivre le bonheur présent, faire ce qu'on aime car la vie passe vite en ta...»

«Chanter les thèmes de l'environnement ou de l'économie, soulève-t-il en outre, ce n'est pas très rose. Je ne suis pas là pour éduquer quiconque, mais je peux parler de choses qui me troublent profondément. Sans être moralisateur, sans être trop lourd, sans adopter un ton déprimant. Je n'ai que 34 ans et j'ai encore envie que les choses changent.»

Chanteur nature, chanteur mature...

______________________________________________________________________________

L'album All These Lines de Ian Kelly sera mis en vente mardi. Le lancement gratuit aura lieu jeudi à 17h30 au Théâtre Corona.